dawn (pandore)

dawnPour l'inexplicable, il y perd parfois son sang-froid, dans cette pièce reculée à prendre soin de plantes qui sont aussi silencieuses que lui. C'est la vraie nature qui parle plus que tout le reste, malgré les potions qu'il aura enfilées ce soir, tentant d'atténuer la beauté irréelle qui lui colle sans cesse à la peau. Les petites nuits courtes qu'il connait pour des recherches, il n’arrive pas à se poser quelques secondes, les cigarettes enfilées bout à bout pour garder ce sang-froid dissipé. Même les montagnes de glace savent fondre au soleil et craquer laissant les fissures paraitre n'est que le pire obstacle face à tout le reste. Invisible comme il le voudrait, il n'en est rien quand la faiblesse est issue dans d'une âme difficile à déchiffrer, aux horreurs qu'ils ont vécues pour leurs gènes similaires. Il était déjà une arme et elle était déjà une victime. Les pots retombent d'un seul coup, dans un fracas, plantes désabusées qui continuent de bouger un peu malgré les racines détachées. Mèches presque arrachées, il se sent con, à jurer entre ses draps, jusqu'à attraper le veston pour transplanter directement aux dortoirs. La porte martelée sans doute un peu trop et les cent pas qui continue quand elle n'ouvre pas. «Pandore, ouvre.» Il suffirait d'un regard, si elle pouvait ouvrir la porte pour la persuader légèrement, aux pouvoirs vélanes qu'il déteste pourtant, mais c'est l'impatience qui gagne. «Me force pas à ouvrir par moi-même.» Ce n'est point l'homme autoritaire, c'est l'homme inquiet.

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Le silence est assourdissant, de même que ses pensées ; le cerveau ne veut pas s’arrêter, continue à s’ébruiter en filets inarrêtables, c’est insupportable. La mer est intarissable, le sevrage intolérable. Enfonce Pandore dans un désert-punition sans boussole ni oasis à l’horizon. Et le pire, c’est qu’elle y est entrée elle-même, pieds et mains jointes - même s’il avait d’abord fallu arrêter les tremblements des substances en suspens, du manque tonitruant. Responsable de sa malédiction autant que de sa punition, Pandore se perd dans un énième enfer personnel, le poing serré lors des nuits à transpirer, bien entourée mais l’esprit seul à se battre contre la rechute, la tentation. Les pommes sont partout, Pandore en colocation dans le jardin des Hespérides, la main tendue vers chaque branche ; difficile de s’arrêter, de s’empêcher d’attraper le fruit interdit, surtout qu’elle n’a pas pu se résoudre à arrêter les antidouleurs, encore, incapable de vivre sans sa béquille. L’esprit ne supporterait pas, subirait des migraines à en pleurer, à en vomir. Se contente de les diminuer avec des pilules aux plantes, les moins fortes possibles, mais ne peut pas faire autrement. Ça ralentit la guérison, forcément, enlève les traces de pas dans le désert. Pandore ne peut pas retrouver sa route, doit l’inventer, repartir de la case départ, et chaque journée est un pas de plus, une victoire de plus. Même dans le silence-capharnaüm, les doigts qui se frottent les tempes et les yeux qui se perdent dans le plafond - cette nuit est calme, pas troublée de tremblements ou de transpirations. Rien que Pandore en tête-à-tête avec sa tentation, mais aucune bouteille ni substance dans l’appartement.
“Pandore, ouvre.” Sourcils froncés, elle n’est pas sûre d’avoir entendu, croit reconnaître la voix, le ton ; mais non, parce que ça n’a pas de sens. La voix est vieille de plusieurs mois, d’un gala qui l’avait vu disparaître dans la tourmente, laissant Pandore dans l’incompréhension. Ça n’allait pas aller en s’améliorant. Elle l’entend faire les cent pas, tambouriner, comme si ça ne suffisait pas déjà, comme s’il allait pouvoir ouvrir la porte à force de la frapper. Elle s’extirpe hors du lit, traîne des pieds jusqu’à l’entrée (prend tout son temps, il ne mérite pas qu’elle se dépêche). “Me force pas à ouvrir par moi-même.” Et elle attend, en suspens, pour quelques secondes ; par provocation pure, il sait sûrement qu’elle est derrière la porte, qu’elle le fait attendre, parce qu’elle ne sent pas le ton inquiet, seulement le ton distant de ses (mauvais) jours. Mais elle finit par ouvrir, les yeux qui hésitent à se lever au ciel, les traits qui en tous cas montrent bien qu’elle ne comprend pas ce qu’il fait là. Aurait pu faire une remarque amusée au fait qu’il disparaisse pendant des mois pour revenir, à cette heure-ci, mais ne trouve pas la patience. “Il est une heure Anzo putain, qu’est-ce que tu veux ?” Une part d’elle espère qu’il va rester sur le pas de la porte ; mais Anzo s’impose, pense sûrement qu’en ouvrant la porte, elle l’a invité à entrer. “Et bien je t’en prie, ne reste pas sur le pas de la porte…” murmure-t-elle avec sarcasme, s’écarte même si c’est déjà trop tard. Le laisse rentrer puisque de toutes façons, il ne lui laisse pas le choix. Referme la porte en soupirant, pas vraiment prête à savoir ce qu’il lui veut, cette fois.

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Le silence est profond depuis plusieurs mois. Il ne se termine pas, tournant en boucle de plus en plus dans leurs têtes respectives. Il y a des souvenirs qui ne s'effacent pas. Êtres des labos, il est arrivé au bon moment, déjà comme une arme et il aura fait du mieux qu'il peut pour la protéger un instant, mais cloués comme des pantins, ils finissent toujours par perdre. ,Mais je te promets un jour qu'il en saura autrement. Et parfois il vaut mieux que cela en reste ainsi, loin d'elle, mais il y a aussi ce besoin de la protéger, de veiller à ses blessures qu'elle aimerait cacher, mais qui crie sur sa peau, combien elle a souffert et elle le fait encore, Pandore, cette boite pleine de secrets. Il ordonne contre la porte, il peut sentir sa présence derrière la porte. Cette femme qui nargue, qui veut dominer quand il ne ploiera jamais le genou. Pas quand il revient après un long moment d'attente, incapable de faire bonne figure de nouveau avec tout ce qu'elle doit portée sur ses épaules. Et lui aussi, ne connaissant pas la liberté depuis longtemps, pour une simple différence qui leur aura coûté cher. Et elle ouvre enfin, l'humour qui n'est pas au rendez-vous, le sarcasme seulement. La seule réaction vive et logique face à tout ça quand l'homme s'impose alors qu'il refuse tout le monde de son côté. Contradiction en lui-même. La porte ouverte, il s'enfonce avant même qu'elle le demande vraiment, ignorant ses soupirs. Il se retourne plus vif que l'éclair vers elle, le pouce qui s'appose sur la joue, le visage froid et l’inquiétude graver dans le coeur, celle qu'il ne pourra jamais laisser percevoir. Ses prunelles scrutent son visage, avidement, agacé, montagne de glace qui s'effrite par moment. «T'as l'air crevée.» Même morte Et il a sans doute peur de connaitre les réponses, la suite des choses. Car tout est possible et même les cauchemars, c'est ce qui a de plus effrayant dans tout ça. L'ignorance est la meilleure arme dans leur univers. Il relâche enfin son visage et recule de quelques pas, replaçant son veston, les doigts qui s'agitent sur le paquet de clopes à l'intérieur de sa poche. «Je t'ai pas vu au gouvernement depuis un bail.» Il se retourne, incapable de soutenir ses traits plus longtemps persuadé d'être devant sa carcasse, cherchant son souffle, le sang-froid, longeant la chambre à la recherche d'indices. «Tu sors de ta chambre au moins ?» Parle Pandore.

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Il n’aime visiblement pas l’humour ; ni ce soir, ni les autres jours. Elle pourrait même dire qu’il ne l’a jamais aimé, parce qu’elle ne l’a jamais connu que froid et distant, investi d’une mission qu’elle pensait terrible, cruelle, insupportable. Pour elle et depuis le départ, Anzo était l’un d’entre eux. Il n’y avait aucune raison de croire le contraire, aucune raison de le voir autrement - il ne lui en avait jamais donné l’occasion. Alors ça n’a aucun sens, lorsqu’il s’impose chez elle en pleine nuit, la silhouette suspendue une fois la porte passée. Pandore est trop surprise de son geste pour réagir, de son pouce glissé sur sa peau, la bouche entrouverte de stupéfaction. “T’as l’air crevée.” Sa voix la ramène à la réalité et elle saisit son poignet, envoie valser son bras loin de son visage, d’un “Fuck you” lancé par instinct, parce qu’elle n’a que ça à lui dire, parce qu’il n’a que ça à savoir. Il ne mérite rien d’autre, parce qu’il n’est personne ; pire, il est presque indésirable à ses yeux, tant elle associe son visage aux atrocités du gouvernement, le revoit encore dans ces foutus laboratoires où elle a perdu une partie de son âme. Il s’écarte et elle voudrait juste qu’il s’en aille, ne comprend toujours pas ce qu'il est venu faire là. “Je t'ai pas vue au gouvernement depuis un bail.” Ah, c’est donc ça. En tous cas, c’est ce qu’elle pense, qu’il est venu là pour eux, même si elle ne sait pas quel genre de besoin ils pourraient avoir à venir la chercher si tard. “Qu’est-ce qu’ils veulent ?” Elle ajouterait presque qu’on en finisse, d’un regard un peu provocateur mais elle n’a pas envie de gaspiller sa salive et lui se détourne, quitte son regard pour lui offrir son dos. “Tu sors de ta chambre au moins ?” Elle croise les bras, crache avec toute l’insolence qu’elle peut se permettre. “Qu’est-ce que ça peut te faire ?” Parce qu’il n’y a aucune raison qu’il en ait quelque chose à faire ; après tout, c’est l’un d’entre eux.

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Elle a toutes les raisons de ne pas lui faire confiance, car lui-même lorsqu'il se regarde dans le miroir, il ne se croit pas, incapable d'être humain à nouveau pour ce qu'il en reste. Et elle le repousse d'un seul coup, la mâchoire se resserre, agacé encore plus, d'être faible et d'être venu ce soir. Ils pourraient se contenter de se croiser sans plus S'échanger les procédés devant les bourreaux qui ont fait d'eux des armes. Mais le voilà dans cette chambre dos à elle, imposteur des lieux et les nerfs qui se tendent. Elle se meurt sous ses yeux et il ne peut rien faire. Tout semble lui filer entre les doigts, c'est à devenir fou. «J'en ai rien à foutre de ce qu'ils veulent Pandore.» Le corps qui se retourne vers elle, le ton sec et claquant qui frappe fort pour une fois. C'est ce qu'il est au fond, toujours un peu trop autoritaire, s'emportant plus que de raison pour la première fois devant elle. Ses bras croisés, elle se refuse à lui. D'une main il dépose ses doigts sur le dossier d'une chaise et resserre ceux-ci contre le bois, qui craque légèrement, d'un soupir profond, encore une fois, brûlant pour se calmer. «Commence par me répondre.» Ordonnant une fois de trop, relevant son visage vers elle, les prunelles sombres et il pourrait rendre le tout plus simple. L'ensorceler de sa beauté, mais il ne pourrait pas se résigner à lui faire cela, pas à elle, pas dans ces circonstances, même si sa vie est déjà compromise. Et si le souffle la quittait peut-être que cela lui rendrait service et elle serait plus heureuse, libre sur les nuages.  «T'es plus amochée qu'un jeune loup-garou.» Le poing qui se resserre, le visage qui se crispe. «Réponds-moi seulement et je promets de pas m'attarder.» Mensonge soufflé à qui ?

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Elle attend, en impatience et en insolence, qu’il lui explique enfin ce qu’il est venu chercher, la mission pour laquelle ce cher ministère a besoin d’elle un trente-et-un mai à une heure du matin. Pendant un instant, elle a presque peur de devoir se faire bourreau, se dit que ça y est, il va falloir qu’elle participe plus activement, alors que ce n’est pas le moment ; elle se remet à peine de la rechute, effectuée sans parachute. Rien qu’elle, en tête-à-tête avec la disparition de la magie et une bouteille de whisky. “J’en ai rien à foutre de ce qu'ils veulent Pandore.” Les sourcils froncés, son expression se détend un peu mais se referme aussitôt, parce qu’il n’a pas précisé ce qu’ils veulent. Qu’est-ce que ça peut lui faire, à elle, qu’il s’en fiche ? Ils attendent bien quelque chose. Sur le point de répondre, Anzo se retourne et la coupe, la main posée sur l’une de ses chaises. Dans le silence, tous deux entendent le bois craquer et Pandore se force à ne pas faire un pas en arrière, se force à ne pas avoir peur. S’il fait quoi que ce soit, elle pourra toujours l’emmener de l’autre côté du miroir - sans savoir, bien sûr, qu’elle se trompe sur toute la ligne. “Commence par me répondre.” Elle rit, doucement, un peu méchamment. Il a touché la corde sensible de son égo, de sa fierté. Hors de question qu’elle lui réponde, désormais, même si en face son visage se ferme, se tend, les yeux qui cherchent les siens dans une lutte dont seul l’un d’eux sortira gagnant ; Pandore est bien décidée à ce que ce soit elle sur le trône, à la fin. “T’es plus amochée qu'un jeune loup-garou.” Elle fait mine d’ignorer la remarque, de feindre qu’il a tort, alors que ça se voit, qu’elle a du mal à dormir, que sous ses yeux les cernes ont déposé leurs bagages et que si elle a les bras croisés, c’est pour ne pas qu’il voie ses mains trembler. “Réponds-moi seulement et je promets de pas m’attarder.” La seule raison pour laquelle elle ne l’a pas encore viré, c’est qu’elle s’imagine qu’il vient de leur part, ne voudrait pas se mettre le ministère à dos. Ça ne l’empêche pas d’être insolente, surtout face à celui qui n’est qu’un sbire. De le regarder avec un sourire impertinent. “Mais tu te prends pour qui, Anzo ?” fait-elle, presque en riant, avant d’ajouter, presque en crachant. “Dis-moi juste ce qu’ils veulent et casse-toi.” Les bras se sont décroisés sous le coup de l’insolence ; pour un court instant, les mains se mettent à trembler, avant qu’elle s’en rende compte et ne recroise les bras avec empressement, masquant rapidement la fissure dans son assurance.

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Les énigmes sont folles et filent entre les doigts dans toute leur complexité. Et il y a longtemps qu'il a arrêté de vouloir comprendre, énergie qui doit être mise ailleurs. Mais il revient encore et encore, cherchant la pièce manquante de ce puzzle amoché. Elle préfère les mensonges et l'insolence. Il n'y a rien qui le rend plus furieux au monde. Dénichant toutes les hypocrisies dans les regards désormais, couteau encore dans le dos, les flaques de sang béant sous ses pieds. Plus jamais cela ne se reproduira. Il y a même le rire qui se fait attendre, juste assez pour tendre les nerfs, pour serrer sans doute un peu plus le bois malmené sous ses doigts. Le sourire impertinent ne s'éteint pas, il redouble même, fière d'elle, énervée. C'est l'huile et le feu et toute source d'eau s'est dissipée, si loin que tout est effrayant. Coup de fouet qu'elle renvoie, il aurait envie de redoubler, mais l'inspiration parvient aux poumons et les mots sont lancés. «Ne me-» Mais ils sont arrêté par les mains tremblantes, le manque, la junkie qu'elle cache, cette femme qui a mal, il reconnait les signes, les maux sur son visage, pandore qui s'efface qui se dissipe. «T'as rechuté...» Qu'il souffle en la regardant, inquiet, la colère qui laisse place à l'angoisse, s'assoyant sur la chaise, les jambes lasses, le coeur d'autant plus serré. Ils finiraient par la détruire et il est terrifié à l'idée de ne pas l’agripper juste à temps. Cigarette retrouvée, il allume, le coude sur la table, les doigts qui s’apposent sur le front qui se plissent, traits qui se crispent. «Depuis combien de temps ?» L'interrogatoire qui redouble tout comme la douleur, la conclusion est impossible à fixer, à imaginer quand il perd pied.

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“Ne me-” Anzo s’arrête d’un coup, observe la catastrophe. Difficile de cacher les fantômes sous le tapis quand ils s’accrochent à son être comme un boulet insupportable, de faire semblant de ne pas voir les fardeaux quand ils sont tellement lourds qu’ils s’immiscent dans les membres, empêchent le corps de fonctionner correctement. Pandore a rechuté et ça se voit, ça suinte même de tous ses pores, c’est évident - en tous cas une fois la glace fissurée. C’est comme si on pouvait voir tous les signes dès le départ, mais qu’ils n’ont pris sens que lorsque les bras se sont décroisés pour un instant seulement, ont révélé l’indicible. Ce qu’elle a arraché de sa gorge lorsqu’il a fallu l’avouer à ses proches, mais ce qu’il ne mérite pas, cette nuit. Et sûrement qu’il le sait tout autant, parce qu’il lui arrache l’aveu, le fait à sa place. “T’as rechuté…” Surprise qu'il ait compris aussi vite, sa bouche s’entrouvre et ses mains s’interrompent, les bras suspendus l’un à l’autre. Au début, elle ne voit rien d’autre que son propre étonnement, ne réalise pas tout de suite que l’expression d’Anzo a changé, s’est adoucie - non, pas adoucie, pas tout à fait. Il y a un silence étrange qui reste dans l’air et se fait lourd, comme si elle avait validé la révélation et que le poids de l’aveu pesait entre eux comme un boulet, cette fois à se partager. Elle n’a pas envie de répondre pour lui dire qu’il a tort, parce que ce n’est pas le cas, mais l’impression de le laisser gagner, de lui faire comprendre, par son silence, qu’il a raison, lui est tout autant insupportable. Et sur le point de répondre, il s’assoit et se presse les tempes. Pandore décèle enfin l’inquiétude dans ses traits, fronce les sourcils parce qu’elle ne comprend pas (comment pourrait-elle?). “Depuis combien de temps ?” Tout ce qu’elle pense, c’est pourquoi tu demandes.
Et tout ce qu’elle comprend, tout ce qui vient, c’est qu’il demande pour eux. Parce qu’ils ne savent pas qu’elle a rechuté ; parce qu’elle s’est évertuée à leur cacher que leur précieuse poupée de son avait un défaut technique. Pandore perd son sourire. Doit retrouver le contrôle, dans ce quiproquo stupide où elle pense qu’il agit seulement pour eux quand ce n’est pas le cas et où lui ne doit pas un seul instant penser qu’elle lie ses actions à celles du gouvernement. “I did not. Fuck you.” (Et elle semblerait presque convaincue.) Saisit la poignée de la porte d’entrée, tout le corps tendu pour masquer les tremblements. L’insolence l’a quittée, il ne reste plus que la froideur et la distance, les mêmes qu’il lui offre depuis des mois - depuis leur rencontre, en réalité. “Si tu veux pas me dire pourquoi ils ont besoin de moi à cette heure, sors de chez moi.”

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Et si peut-être qu'en apparence il est encore debout, dans sa tête, il est au bord du précipice, cherchant le meilleur moyen de la raisonner. Mais raisonner Pandore est crier dans le vide pour que l'écho nous renvoie nos propres paroles. Elle est forte et n'a besoin de personne. Elle qui trompait le gouvernement dès le départ, elle qui s'est immiscée dans sa tête sans qu'il ne le sache. Elle était là, désormais, et tout vacillait de tous les côtés. Trou dans la coque, bateau qui annonce son naufrage, les mois auront eu raison de sa personne. Ses conneries, ses problèmes et les ordres scandés par les bourreaux lui auront retiré tout ce qui lui restait de sang-froid. La cigarette n'est qu'une excuse pour ne pas tout envoyer valser. La nicotine n'est qu'une drogue qui calme à peine les nerfs, comme la drogue qui filtre peut-être dans ses veines à l'heure qu'il est. Il peut déjà imaginer son corps inanimé. Revoir l'overdose dans sa tête. Les images qui se cassent, entre son visage encore intact, sans le manque de sommeil à leur première rencontre, elle dans sa robe au gala, puis celle qui se cache. Elle a la réaction escomptée. Celle qui retourne le coeur quand elle ne voit que l'ennemi. Il n'est que monstre après tout. Pariât de tous les côtés et jamais l'ange. Alors comment elle pourrait croire que l'inquiétude est réelle dans ses mains presque tremblantes et les lèvres qui peinent à garder le cylindre intact. Électrochoc sur les neurones, pour toutes les pulsions qu'il aura retenues, il se relève, écrasant le mégot contre la table en laissant une trace au passage. Les pas qui s’avancent vers elle, vite, remarquant encore ses tremblements qu'elle ne pourra jamais cacher réellement.  «Je suis encore l'ennemi à tes yeux.» dit-il au fond de lui blessé de l'image qu'il peut transmettre. En constant combat avec lui-même. Refermant la porte d'un coup de baguette qu'elle a ouvert.  «Tu comprends rien, mais vraiment rien.» Il la surplombe, le ton qui ne s'élève pas, jusqu'à se résigner, jusqu'à prendre ses mains pour les mettre sous ses yeux, tremblement qui n'ont pas cessé. «À qui tu veux mentir, Pandore ? À toi ou à moi ?» Le regard plongé dans le sien, ne relâchant pas sa chaleur pour autant, celle qui imprègne, pour se rappeler qu'elle est encore en vie. Et si elle devait mourir, il l'aurait en mémoire sur sa propre chaire. «J'en ai rien à faire d'eux, je dois te le répéter combien de fois ? » Et c'est si dur à croire quand il est devenu leur atout le plus redoutable.

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Elle ne peut pas lui mentir, parce qu’elle ne peut pas mentir aux autres mais surtout parce qu’elle ne peut pas se mentir à elle-même. Parce que dès les premières lueurs du jour, le quinze mai, elle a composé les numéros frabieux, a avoué, en toute honte et en tout désespoir. Il ne lui restait plus que ses joues pour pleurer et le sachet d’une bouteille vidée, le cadavre d’une abstinence envolée en fumée. La honte, le désespoir, la tristesse. La colère, de ne pas avoir su se stopper, sans doute aussi le manque de bienveillance, parce qu’elle n’a pas rechuté pour rien, parce qu’elle avait eu l’impression que son corps et que son cœur étaient déchirés en deux et que l’alcool avait été la seule réponse plausible - pire, la seule réponse possible. Et tout ça, ça se voit ; ça se voit dans ses mains tremblantes, dans ses cernes creusées, dans ses cheveux encore marqués de la transpiration, des nuits difficiles du sevrage. Elle ne le trompera pas, ne réussira pas. C’est trop tard, il sait. Elle tente quand même, plus par peur des hommes en noir qu’autre chose, préfère sauvegarder le peu de liberté qu’elle a réussi à s’octroyer plutôt que de tout abandonner parce qu’elle n’a pas réussi à cacher ses mains de camée.
Mais quand il s’approche de la porte, il ne la passe pas. S’arrête, plutôt, devant elle. Elle se dit que c’est le moment des adieux, qu’il va partir et la laisser tranquille. Ce serait trop facile. “Je suis encore l'ennemi à tes yeux.” Elle laisse échapper un rire, les yeux qui toisent les siens - c’est le grand retour de l’insolence, qui cherche peut-être à masquer la faiblesse, la vulnérabilité de sa rechute. Masque ce qu’il voit par autre chose. “Parce que tu veux me faire croire que t’es autre chose ? Fallait y penser avant d’agir comme l’un des leurs. - Tu comprends rien, mais vraiment rien.” Elle n’entend presque pas la porte se refermer, trop obnubilée par son audace, son insolence, la colère qui grimpe. Comment peut-il oser sous-entendre qu’elle devrait le voir autrement, quand il ne lui a servi sur un plateau que son mépris ?
Jusqu’à ce qu’il se saisisse de ses mains, stoppe l’avion-colère en plein air, l’empêche de répondre, une fois de plus. Pandore baisse les yeux, le corps qui s’est détendu de surprise, ne parvient plus à cacher les tremblements. “À qui tu veux mentir, Pandore ? À toi ou à moi ?” Elle regarde ses propres mains comme si elle les découvrait pour la première fois, le cœur qui s’époumone mais la colère à l’abandon ; elle finit par repartir, pourtant, renaît presque aussi vite qu’elle s’est envolée. Pandore libère ses mains d’un “lâche-moi” qui sonne comme un aveu, envoie valser les siennes, les bras qui retombent le long du corps. Elle ne cache plus que ça tremble, elle n’y pense plus, c’est trop tard, il a vu. “J'en ai rien à faire d'eux, je dois te le répéter combien de fois ?” Et s’il semble y croire ça ne donne pas une raison à son comportement, à ces attitudes de chaud-froid qu’il lui sert depuis des mois. À lui demander pourquoi elle se balade en robe de mariée mais à l’éviter, se montrer froid - glacé. Elle finit par presque hurler, à le regarder sans insolence mais avec colère et incompréhension. “What the fuck do you want then??” Et s’il faut lui refaire chaque passage menant à celles-ci, elle le fera.

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Il ne reste plus rien. Pas même des mots assez justes pour s'exprimer comme il le faut. Chaque argument est brisé un par un. Envoyé valsé par elle qui se refuse encore et encore. Mais la vérité est sous ses yeux. Dans ses prunelles qui ne renvoient qu'un miroir d’inquiétude. Les mains qui tremblent sous ses yeux. La réputation est déjà faite. C'est ce qu'il arrive quand il agit dans l'ombre et qu'il n'accepte personne à ses côtés. Qu'aucune de ses faiblesses n'est perceptible au grand jour. Mais elle en est une. Faiblesse qui perd sa flamme, qui se brise sous ses yeux. Incapable de colmater correctement la porcelaine, elle est si précieuse. Chaque contact est refusé. C'est cette impression de jouer le tout pour le tout. Une fois de trop, une fois de plus. Les lèvres qui se pincent, le visage qui semble abandonner, il n'émet aucune parole quand elle s'emporte, à hurler presque dans la pièce, cherchant les réponses qu'il n'a pas lui-même. Les mains tombent aussi à son tour, battant de chaque côté. Le soldat qui rend les âmes, du moins en apparence. Il revient sur ses pas, vers la table, à récupérer le paquet de clopes, qui glisse un moment sur celui-ci, les pensées en suspens. Et une fois de plus, une fois de trop, il revient vers elle si vite, les mains qui se plaquent sur les joues, les lèvres qui se scindent aux siennes, sans trop savoir pourquoi, perdu pour un regard plein de vie depuis un moment, piqué pour sa douleur, pour sa force, pour son insolence. Impulsivité qui est maitre ce soir, elle a gagné à sa manière, alors qu'il avait juré de rester loin. C'est le coeur qui se débat qui rappelle à la réalité. «Tu comprends rien.» Murmure, en la relâchant. «Je t'interdis de te tuer. Ils ont pas le droit de gagner.» L'homme qui prend peur et qui ouvre la porte de nouveau, d'un claquement de doigts, baguette cachée, les pieds qui restent ancrés dans le sol pour autant. Il est prêt à partir, mais il y a peut-être un espoir qui reste animé dans ce corps. Il lui suffira de transplanner, lui qui s'en veut persuadé qu'elle s'entêtera jusqu'au bout comme elle l'avait toujours fait.