yo on s'matte un film ? ((pandore))

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22h14 | 20 Février 2022

C’était l’intitulé du message, qu’il avait envoyé avec la tête encore plongé dans l’oreiller, 14h21, lendemain de cuite. L’esprit embrumé par la soirée de la veille – anniversaire de Somi en premier lieu, qui s’est terminé par un karaoké duquel il s’est échappé avant même d’y mettre les pieds, pour finir de rejoindre des potes à un izakaya deux rues plus loin. La tête fracturée dans une gueule de bois qui lui avait permis d’oublier les questions incessantes venues l’asséner depuis quelques semaines (davantage depuis quelques jours). Pas de tout repos d’être confronté à la première fois de sa vie à une once d’émotion autre que la colère qu’il connaît par cœur. cette fois, ce sont même des sentiments inconnus, incertains, dérangeants qui lui font chavirer les idées. A défaut de se fracasser le crâne pour arrêter d’y penser, akira préfère noyer son cerveau sous les degrés d’alcool et se prendre la tête sur d’autres activités.

Incapable de rester sans rien faire déjà d’ordinaire, manipulé par des pulsions d’hyperactivité qu’il n’a jamais su refreiner – plus encore quand il s’agit de se distraire pour ne pas avoir à être confronté à ses pensées. à peine levé, il se précipite dans une douche à 42°C à en cramer sa peau, puis se retourne le cerveau sur la télé de l’appart qui marche plus depuis qu’Andrea s’est cogné dans le meuble et l’a fait tomber (ou bien était-ce parce qu’ils se battaient, qu’elle a chuté). Les branchements en vrac, éclairé d’un lumos coincé derrière l’oreille ; ça l’occupe bien tout l’aprèm, mais son coloc n’est pas là pour lui beugler des insanités et l’occuper – à deux doigts d’admettre qu’il lui manque, cet enfoiré. Heureusement le plan s’étire à mesure que la soirée se dessine et l’heure de rejoindre pandore approche.

C’est une énième excuse pour se confondre dans un déni qu’il est le seul à ne pas voir – qu’il cache très bien, en réalité. Mais qu’il galère de plus en plus à camoufler et ignorer depuis la soirée du gala et ses évènements étranges. Passer la soirée avec pandore achèverait de lui faire oublier toutes ces conneries, devant un film assez cucul pour qu’il s’endorme le ventre plein après avoir commandé.

Aussitôt arrivé chez sa meilleure pote, akira n’offre pas plus de cérémonie et lui cale une main affectueuse dans ses boucles, au risque de la décoiffer. what’s up pando. son sourire est fatigué, mais ne manque pas de creuser la fossette de sa joue droite, sincèrement content de débarquer. Une présence réconfortante, aux airs de famille, que les années ont ancré dans son cœur. voir pandore, c’est comme rentrer chez sa mère – enfin il suppose, pas sûr de ce que ça fait vraiment en réalité. Mais c’est elle qui a endossé ce rôle malgré elle – que ce soit pour le sortir des galères, l’aider avec le programme de la machine à laver à l’autre bout du fil, ou lui rappeler de dormir assez et de prendre le temps de souffler. what did you do today ?, il fait en déposant les sacs de bouffe sur la table basse de l’appartement. Des bricoles, rien de ouf ; du pop-corn et des snacks, de quoi agrémenter leur séance de cinéma improvisée. i’mma order from burger ¾, you want something ? Les baskets sont abandonnées dans le genkan de l’entrée et il ne tarde pas à venir squatter un siège, les doigts pianotant sur l’écran de son portable, sélectionnant d’avance le menu habituelle de pando avant même qu’elle ne l’énonce, pour confirmer. … ’aight, done. the guy's coming on a broom, we'll have to check the window. et il s’étire, soulagé quelque part de pouvoir focus toute son attention sur sa meilleure pote qui a toujours beaucoup plus de choses que lui à raconter.

Les sacs cartons trouvent la poubelle, tassés avec les emballages des burgers, suffisamment pour en étouffer l’odeur de gras et de friture. Ventre plein, discussion tranquille qui le maintient en état de veille agrémenté de quelques ponctuation – c’est tout ce dont il a besoin pour un dimanche soir, avant de reprendre le taf demain. what you wanna watch tonight, doll ?, il demande en se saisissant de l’ordinateur de sa meilleure amie, déjà un coussin calé sur le torse et les jambes sur la couverture du lit. Il se décale à peine tandis que Pandore se contorsionne pour passer et trouver sa place – se moquant au passage en feintant de la faire tomber. anything in mind ? … oh what’s that. …mh no. sourcils froncés, il scroll le menu de Witchflix en prenant sa mission très à coeur. or we could just watch some r⸱o⸱o⸱m⸱i⸱e⸱s episodes. we stopped at season four, last time. what you think ? l’option de la flemme, mais infaillible. si on pouvait juste éviter les films à l’eau de rose pour ce soir, ça lui irait bien.

Les doigts pianotent un ’kay rapide à la proposition d’Akira avant de lâcher le téléphone et de glisser la main sur la peau rugueuse de Loki, caressant le serpent du bout des doigts, compagnon silencieux qui lui fait souvent office de psychologue, même s’il ne se révèle pas suffisant quand la solitude vient frapper à sa porte, s’impose comme l’ennemie insidieuse qu’elle représente. “At least you’re not cheating on me,” lance-t-elle dans le vide. N’obtient pour réponse qu’un sifflement incompréhensible et intraduisible, mais répond pourtant comme s’il le pouvait aussi. “Right? The audacity.” Loki vient se lover au creux de son cou, s’enroule et ils restent là un moment, dans le silence de la chambre vide, à refaire le monde sans le dire, seulement par sifflements. Le moment s’étire et devient une moitié de journée, comble son envie de ne rien faire, légitime la flemme qui la gagne et la convainc de ne pas bouger, de ponctuer sa journée de quelques coups d’œil sur instagram ou d’épisodes au hasard lancés sur witchflix, Loki en complète liberté. Elle ne le remet dans son enclos qu’une ou deux minutes avant l’arrivée d’Akira, drapeau blanc d’une amitié qu’elle essaie de créer depuis plus de dix ans, sans succès. Il a toujours du mal avec le serpent, pas à l’aise en sa présence. Se glisse en traînant des pieds jusqu’à la porte d’entrée, encore en pyjama. “What’s up pando.” Elle le laisse entrer dans l’appartement qui est à ce stade presque autant le sien que celui d’Akira, un sourire amusé sur les lèvres, à imaginer qu’il a probablement dû sortir toute la nuit. “Damn, you’ve looked better”, prononcé sans méchanceté, juste un peu de sarcasme affectueux. Elle ferme la porte, s’installe sur le lit alors qu’il dépose les snacks sur la table, masque un bâillement. Dure journée. “What did you do today? — mh, nothing much, chilled with Loki and caught up on whatever on witchflix, I don’t even remember. You? How was the party?” Elle ne sort quasiment plus, depuis juin dernier, a du mal à trouver un intérêt aux soirées sans alcool, l’esprit qui tourne parfois en rond, voudrait presque retomber ; au moins, elle s’amuserait. “I’mma order from burger ¾, you want something?” Elle réfléchit un instant (alors qu’ils savent tous les deux qu’elle prendra toujours la même chose), finit par lui donner exactement la même commande que d’habitude — change d’avis une fois, sans savoir qu’il a déjà commandé, a anticipé son second changement, pour revenir à ce qu’elle voulait de base. “… ’aight, done. the guy's coming on a broom, we'll have to check the window.” Elle hoche la tête, l’estomac qui crie déjà famine, se montre impatient, mais se relève pour nourrir Loki. “So, I did something.”  
Ça commence toujours comme ça et ça finit en monologue d’une demi-heure, leurs commandes devenant des accompagnements entre deux confidences, deux ou trois rumeurs entendues au détour d’un couloir. Pandore s’arrête pour manger ou pour l’écouter compléter, donner son avis, finit par hausser les épaules, parce que le sujet importe en réalité assez peu. Voudrait s’enfoncer dans le lit une fois son burger terminé, le ventre rempli, mais trouve la force surhumaine de jeter les papiers, en profite pour s’étirer un peu. “What you wanna watch tonight, doll? — mmmh” répond-t-elle vaguement en s’étirant, ajoute un “not romance”, Ash toujours coincé dans la tête, exaspérée par l’amour. “Fais pas d’efforts pour te pousser surtout”, qu’elle râle en tentant de retrouver une place à ses côtés, les genoux ramenés contre elle lorsque finalement elle parvient à s’installer. “Anything in mind? … oh what’s that. …mh no.” Ne répond rien, de toutes façons elle aurait beau lui donner une idée il continuerait à chercher, pas forcément inspiré. Préfère le laisser choisir, pas inspirée non plus par les films qui s’affichent sur le catalogue. “Or we could just watch some r⸱o⸱o⸱m⸱i⸱e⸱s episodes. We stopped at season four, last time. What you think? — yeah perfect, always works.” Elle baille à nouveau, soulève son bras pour être plus confortable alors qu’il lance l’épisode, même s’ils le connaissent presque par cœur. Peu importe, ils rient toujours aux blagues. Les yeux sur l’écran, elle se concentre à moitié sur la série, frotte la surface pour voir s’il a quelque chose à raconter, lui aussi. “I’ve talked a lot, what’s up with you?”

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22h14 | 20 Février 2022

Le ventre est carrément plein et la mine toujours un peu en vrac de sa soirée passée, alors Akira n’attend pas trois plombes avant de venir s’étaler dans le lit de sa meilleure pote et s’emparer de son ordinateur. En scrollant sur le catalogue avec nonchalance, il prend soin de skipper tout les bails qui parlent de love. mmmh — not romance. Immédiatement il hausse les sourcils, surpris mais pas déçu de cette décision, qu’il commente même d’un w a W très sarcastique pour bien souligner que ça change de ses habituelles propositions. Étalé comme une loque sur le lit, prenant bien le maximum de place, il continue vaguement sa recherche, pas hyper concentré ou investit, mais pour la forme quoi, il faut bien que quelqu’un s’y colle. fais pas d’efforts pour te pousser surtout, râle Pando en l’escaladant à moitié pour sefrayer une place sur ce qui reste quand même son lit à elle. tu me dérange pas, t’inquiète, qu’il rétorque en marmonnant avec un sourire insolent. Par dépit et réconfort, c’est finalement r⸱o⸱o⸱m⸱i⸱e⸱s qui l’emporte, et Akira lance l’épisode en venant coincer ses bras derrière sa tête. Le générique se lance et ils le laissent passer pour le plaisir de l’habitude, le bout de ses orteils trouvant le rythme de la musique. Les première vannes, les premiers rires du public artificiel, les première dix minutes s’écoulent paisiblement. D’un regard changeant, moins dans la blague mais davantage dans la comparaison, Akira regarde les personnages et leurs dynamique se dérouler dans des parallèles qu’il fait sans y penser. Pas investi dans l’histoire, mais dans cette petite meuf aux airs maladroit et au regard de défi malgré sa taille ridicule. Et de ce type un peu vénère et brute auquel Pandore le compare sans cesse, pour se moquer. Dans cet épisode, ils se chamaillent, comme dans tous les autres. Mais dans cet épisode, il y a une sorte de – tendresse ou de gêne, que Akira n’avait jamais perçu avant. Et celle qui lui rappelle un peu trop Himari, le fait plus qu’auparavant, à tel point qu’il s’agace en lui-même de ne voir qu’elle dans la comparaison. Pousse un soupir discret, se disant que c’est la fatigue, que ça le travaille parce qu’il a revu Somi récemment, parce qu’il y a eu le gala et surtout, Seiya, cet enfoiré qui a osé chambouler ses pensées avec ses discours sur l’amour. Putain, le voilà reparti dans des mic-mac pas possibles qui lui foute la migraine et le fatigue. Alors Akira se fond dans un souffle las, que Pandore ne peut pas manquer, trop près de lui. i’ve talked a lot, what’s up with you? Fait jouer machinalement les muscles de sa mâchoire en serrant et desserrant les dents, ce qu’il fait souvent quand il est perdu dans ses pensées. you like to talk, i like to listen. Il marmonne de son habituel flegme, comme s’il était trop concentré pour avoir quoique ce soit à ajouter. Laisse passer quelques secondes pour s’étirer, cherchant l’inspiration sous son cerveau retourné, puis il vient croiser ses bras sur son visage, trouvant du repos pour ses yeux – et un barrage derrière lequel se tenir face au malaise. think i’ve got a girl on my mind. C’est lâché de but en blanc, entre deux répliques hilares de la série pour contraster. Finalement Sanae a gagné et il se confesse à Pandore sans trop savoir où mener sa barque. i don’t know what’s going on with her, not sure we’re even friends. Exerce une pression avec ses bras croisés sur ses paupières, dans un soupir de réconfort. it’s different from the girls i’ve been with before, i don’t know what i’m doing. Et sous le noir de ses yeux clos s’emmêlent les souvenirs de ces meufs qu’il avait ciblé dès le début, avec qui il menait le jeu, entre flirt, sous-entendus et dérapages prémédités, ces relations enflammées et catastrophiques qu’il a toujours terminé de la pire façon possible, où seuls comptaient son plaisir et ses envies, le jeu de séduction et les désirs moites de la nuit. Rien à voir avec cette situation qui lui pète le crâne et à laquelle il ne comprend rien, pas sûr de ce qu’ils sont, d’où ils vont, ni même de ce que lui veut ; car il ne s’attendait pas à drifter dans cette direction, à se surprendre sans l’avoir voulu au départ, à cherche une proximité qui l’attire, qu’il cherche malgré lui. it doesn’t make any sense.

D’un côté, il est là sans l’être, comme s’il était préoccupé sans savoir pourquoi - peut-être que lui-même ne sait pas. De l’autre, il se concentre un peu trop sur un épisode qu’ils connaissent par cœur, les sourcils parfois froncés qu’elle ne distingue pas forcément, les yeux rivés sur l’écran, le regard qui ne se relève vers lui que de temps en temps. Il y a plus mais elle ne sait pas si elle parviendra à le savoir ce soir, parce qu’Akira n’aime pas se confier, préfère la laisser s’exprimer, bien plus à l’aise lorsqu’il s’agit d’écouter. Ce qu’il fait remarquer, d’ailleurs. “You like to talk, I like to listen.” Il s’en sort toujours avec cette excuse facile et d’habitude ça fonctionne, Pandore abandonne jusqu’à ce qu’il amène le sujet lui-même, parce que ça ne sert à rien de forcer quelqu’un d’aussi borné, elle l’a très vite appris, peut-être parce qu’elle l’est tout autant. Elle s’apprête à le faire aussi ce soir, les mains qui se frottent nonchalamment les yeux, gagnée par la fatigue d’une journée pourtant peu remplie, son attention abandonnée à l’une de leurs séries préférées. “Think I’ve got a girl on my mind.” Oh, pense-t-elle tout de suite. Oh, parce qu’il a parlé d’une fille, ce qui ne lui arrive jamais, discret et pudique comme il est. Autant lui connaît tout de ses conquêtes et de ses ex, autant elle a dû parfois batailler et redoubler d’ingéniosité si elle voulait savoir ce qui tramait au creux de ses côtes. Oh, parce que ce n’est visiblement pas n’importe quelle fille, suffisamment importante pour être mentionnée et surtout, pour le perturber. Ce ne peut être que ça, cet air pensif et préoccupé, cette concentration étrange sur l’épisode. Elle le laisse continuer, lui offre du silence pour contrer le malaise qu’il est forcément en train de ressentir ; ne le regarde même pas, sans pour autant regarder l’écran non plus, attendant seulement la suite. “I don’t know what’s going on with her, not sure we’re even friends. It’s different from the girls I’ve been with before, I don’t know what I’m doing.” La fin de sa phrase la fait se relever, quitter le confort de son corps pour prendre du recul et pouvoir le regarder, les bras croisés et les yeux fermés.

Et ce n’est pas qu’elle l’a rarement vu comme ça, c’est que la seule chose qui vient est un rire, tellement Pandore est surprise de le voir dans cet état-là. Elle ne se moque pas, glousse seulement face au kasai d’ordinaire si confiant, toujours dans la mesure et le contrôle, incapable de vivre s’il ne maîtrise pas l’entièreté de la situation. “Akira Sawano, not knowing what he’s doing with a girl. I really need to meet her.” Mais elle s’arrête bien vite, parce qu’il ne rit pas, garde au contraire un air sérieux et préoccupé, et Pandore comprend, commence à mesurer l’importance de cette fille, le temps qu’il a fallu pour être capable d’en parler, ne serait-ce que pour assumer qu’il ne maîtrisait plus ce qui se passait dans sa tête et dans son cœur. Elle comprend en même temps que ce n’est pas récent, ne peut pas encore dater quoi que ce soit, mais estime que la situation se date en mois, au moins. “Hey, hey, babes. Look at me.” Prend ses bras et les écarte de son visage en douceur pour pouvoir le regarder, lui montrer qu’elle prend le sujet au sérieux, tenter de le rassurer. “I was surprised coz I didn’t really see you with another girl, I mean there’s Sanae but it’s not her, isn’t it? It’s a new girl.” Elle semble presque réfléchir à voix haute, verbalise ses pensées pour ne pas le laisser dans le silence et le malaise (la solitude). “But different is not necessarily a bad thing,” ajoute-t-elle avec un peu d’empressement, comme si elle venait de prendre conscience qu’elle s’éloignait de l’objectif principal, le rassurer. Et ce n’est pas comme d’habitude, cette fois elle ne peut pas le laisser complètement s’exprimer, parce qu’elle sent bien qu’Akira n’est pas à l’aise, ne saurait pas décrire avec précision ce qu’il ressent, peut-être parce qu’il n’est pas habitué à ressentir ça. “How different is it? Is it like, you think of her in the most ordinary moments of your day, randomly, because something made you think of her, and want to see her and tell her about your day even though you didn’t think it was special, but just coz it would mean you’re with her?” Au fur et à mesure qu’elle décrit, la voix se met un peu à trembler, parce que finalement Pandore ne décrit rien d’autre que ce qu’elle a pu ressentir elle-même, le cœur encore déchiré par les séparations successives. “Is it like, when you see her, you’re feeling complete, happy… peaceful?” Le dernier mot est accentué spécifiquement, comme si l’amour tranchait forcément avec la colère et le chaos habituels. Si Akira est secoué par une fille, c’est forcément qu’elle doit lui faire ressentir autre chose. “Do you feel like, if you saw her with someone else, you’d have trouble breathing coz something would compress your chest?” La voix vacille plus encore alors que l’esprit projette des images d’Ash, mais Pandore tousse un peu pour se reprendre, chasser la pensée et le visage. “Is it different like that?” Et elle sait déjà, au fond d’elle, que la réponse sera oui.

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22h14 | 20 Février 2022

A travers les rires de la sitcom, Akira cale négligemment ses confidences, comme s’il s’agissait de banalités sans importance. Pourtant on est bien loin du quotidien habituel de Akira – lui qui s’ouvre trois fois par an, dans des moments rarissimes qu’il faut savoir saisir avant de ne louper le coche et devoir attendre six mois de plus pour un nouvel aveu. Ce sont des brèches dans son armure, de minuscules rayons de lumière qui traversent les fêlures de sa carapace, et laisse voir ses faiblesses – ses doutes et fêlures. Pandore est un des seules personnes qui l’aient vu en l’état, apprenant avec les années comment apprivoiser l’animal pour qu’il finisse par s’exprimer.

C’est une démarche lente et méthodique ; il faut résister à l’envie de le forcer et de le presser pour obtenir des réponses. Alors Akira vient de lui-même ; profite du silence qu’on lui offre comme un espace de paroles, sonde le terrain avant de se lancer. Il faut tout un cadre, tout un contexte approprié pour se sentir en confiance – la chambre de Pandore, son lit, le réconfort d’une série qu’ils connaissent par cœur, le ventre plein, le calme de sa meilleure amie, et des années d’amitié. Les étoiles sont finalement alignées pour le faire parler.

Le plus dur, c’est toujours la première phrase. Celle qui a un goût de vomi – on l’attend, elle est désagréable à mariner au fond de la gorge, mais quand elle sort ; quel soulagement. Et désormais qu’il est lancé, Akira va droit au but, tout en restant particulièrement évasif pour se concentrer sur le problème. Parce que c’est un problème, n’est-ce pas ? Il présente sa situation à Pandore comme si elle serait capable de lui faire le diagnostic d’une maladie qui l’encombre, espérant qu’elle ait la solution pour faire taire la migraine, lui filer le remède. D’abord elle prend le temps de l’écouter – mieux encore, elle le laisse venir, tel qu’elle en a l’habitude ; lui donne le temps de vider son sac sans le presser de préciser. Et lui, comme un con caché derrière ses bras, il déballe ses doutes et ses hésitations en attendant le verdict.

Jusqu’à ce que sa phrase s’achève, déclenchant une réaction tandis qu’il sent Pandore se relever. akira sawano, not knowing what he’s doing with a girl. – urgh. – i really need to meet her. Ses bras se soulèvent pour dévoiler une moue grognon qui fixe la sorcière avec mécontentement, coupant vite court aux écho de ses moqueries. Le moment s’envole presque aussitôt dans un soupir irrité, et Akira s’agite quand il commence à s’agiter pour replier ses bras, se rétracter sous son orgueil froissé. y’know what, forget it. – hey, hey, babes. look at me. Alors elle vient le défaire doucement de sa muraille, ce qui ne lui plaît pas vraiment et suscite ses grognements d’oni mal luné. what, il fait en retirant ses bras lui-même. Mais le regard de Pandore n’est plus le même ; elle retrouve cette lueur attentive et concernée qu’il est venu chercher. i was surprised coz i didn’t really see you with another girl, i mean there’s sanae but it’s not her, isn’t it? it’s a new girl. L’évocation de Sanae le rattrape dans ses humeurs, par la justesse de la remarque. Ca n’aurait jamais pu être Sanae, en effet. Son expression s’apaise à son tour, offrant une considération distraite à la question. no, that’s not her. Préfère cette formulation, plutôt que d’admettre que yeah, it’s a new girl.

Pas si nouvelle en réalité. Ce qui est nouveau, c’est le regard qu’il pose sur elle, et les émotions qu’elle éveille. Ce besoin d’être près d’elle et de vouloir la voir. Tout ça n’existait pas, il y a quelques mois. C’est arrivé sans prévenir, de nulle part. A force de mieux la connaître, de la découvrir sous un autre jour. Jusqu’à ce qu’il y pense et comprenne que quelque chose avait changé. Aussitôt que ces pensées l’envahissent, il fronce ses sourcils malgré lui, par la migraine de ces doutes qui lui reviennent. but different is not necessarily a bad thing. – feels like a bad thing, il lâche dans un nouveau soupir en passant justement une main lasse sur ses yeux. it’s giving me headache. i used to not give a damn about shit like this, but now – Mais les mots ne viennent pas. Akira ne trouve pas les termes qui pourraient exprimer ce qu’il ressent, justement parce que c’est trop complexe pour que lui-même comprenne. Trop difficile d’admettre ces sentiments différents, cette importance que ça prend. De s’encombrer d’émotions parasites, indigestes. S’il pouvait se les arracher du ventre et de la tête, il le ferait. Et pourtant quand il est avec Himari, il ne peut plus se passer de cette sensation inédite.

Les yeux dans le vide, qui cherchent encore le meilleur moyen de dire ce qu’il refuse de ressentir, Pandore fini par comprendre qu’elle est la plus à même de lui souffler les mots qui lui manquent. Peut-être parce qu’elle n’a pas peur, elle, de ressentir les choses. De les confronter. De les laisser passer à travers elle. Pandore connaît cette sensation, Pandore sait mieux que lui les émotions. Elle est douée de tendresse, Pandore, et de délicatesse. Elle est capable de la discerner même sous la cuirasse d’Akira, quand il ne veut rien laisser passer. Alors, bien sûr qu’elle sait. Sans qu’il n’ait besoin de parler. how different is it? is it like, you think of her in the most ordinary moments of your day, randomly, because something made you think of her, and want to see her and tell her about your day even though you didn’t think it was special, but just coz it would mean you’re with her? Pourquoi ça ressemble à un poème, quand c’est elle qui en parle ? Akira reste silencieux, il l’écoute calmement et la regarde comme un enfant à qui on raconte une légende et se surprend à y croire. Sans doute parce qu’elle lui partage avec une émotion sensible et presque palpable. uh. kinda. Il referme sa bouche après la confusion, et tente de reprendre contenance en haussant les épaules, nonchalant. is it like, when you see her, you’re feeling complete, happy… peaceful? Sourcille à l’évocation de peaceful, quand leurs regards se croisent – le sien, confus et perdu comme un gamin, et celui de Pandore, brillant sous l’émotion. Définitivement. Piqué en lui-même par une analyse aussi juste, qu’il ne peut ignorer, désormais que Pandore lui met devant les yeux, alors que sa voix résonne de vérité. Mais leurs pupilles ne se décrochent pas ; Akira déconcerté cherche dans celles de Pandore ce qui lui échappe encore. do you feel like, if you saw her with someone else, you’d have trouble breathing coz something would compress your chest? Et en opposition à cette sensation de profonde paisibilité qu’elle évoquait il y a quelques secondes, c’est la colère qui s’éveille sous les propos pour répondre à l’exemple. Cette même colère qui lui comprimait la poitrine, noyée dans la douleur d’être – de ne pas être, celui auprès d’elle. Car sans qu’elle ne l’ai nommé une seule fois, c’est Himari que Pandore a peint dans l’esprit de Akira.

Sa mâchoire se serre, sous l’affluence des émotions contraires, de l’incompréhension qui le cueille toujours alors que Pandore, elle, semble mieux comprendre que jamais ce qui se trame dans son crâne. Le ton s’affaiblit, saisit elle aussi par ce qu’elle décrit. is it different like that?, termine-t-elle d’une voix douce et basse à la fois. Après quelques secondes figé à la contempler, comme si elle venait de lire en lui des pages entières qu’il ignorait exister, Akira prend une nouvelle inspiration et détourne finalement le regard, presque essoufflé d’avoir si peu parlé, mais été si bien cerné. fuck you’re good at it, donne-t-il pour seule réponse. Elle l’a suffisamment bien exprimé pour lui, Akira préfère s’épargner d’en remettre une couche. you must’ve feel that a lot. Contrairement à lui qui découvre pour la première fois cette dimension d’une relation. Se perd un instant dans le vide de la chambre, avant de reposer les yeux sur Pandore, pour surprendre cette lueur humide au fond de son regard. was it like that with him ? Inutile de prononcer son prénom, qui flotte depuis déjà un moment au-dessus de la conversation, inévitablement. Sa tête se penche de côté, pour mieux lire sur le visage de la sorcière les ruines des sentiments cassés. Akira n’a jamais eu grand intérêt à parler cœur et sentiments. Mais pour la première fois, il comprend un peu mieux ce que ça fait, et envisage la douleur de Pandore sous un autre angle. Comprend que pour elle, sa poitrine a justement été écrasée, compressée par le chagrin. Peut-être qu'elle ne se sent plus aussi paisible, désormais. come here. Mais Akira ne parle pas aussi bien que Pandore – il n’a pas son talent pour comprendre les gens, ni son empathie pour saisir tous les sentiments. Alors il se contente de lui offrir une place près de son bras, geste qui se passe de mots. Il était venu pour arrêter d’y penser, et l’empêcher de réfléchir elle aussi ; parenthèse qui n’a pas résisté à ce qui taraude leurs cœurs. how long to recover ? Il demande peut-être un peu pour elle, un peu pour lui, à moitié sur le ton de la blague. Combien de temps pour que ça lui passe et pour qu’elle n’ait plus mal. Combien de temps pour que ça ne soit plus aussi important. Pour que ça redevienne comme avant. Parce qu’il n’est pas sûr d’être capable de continuer longtemps comme ça.

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22h14 | 20 Février 2022

Elle est face à la plus grande des énigmes, face à un casse-tête qu’on ne finira jamais vraiment, après avoir passé des années à essayer de le comprendre, d’en saisir les subtilités. Il n’y a pas beaucoup de mouvements à faire pour l’ouvrir, il faut seulement s’assurer d’avoir les bons, d’être capable de déchiffrer la traduction sans pouvoir jamais connaître tout l’alphabet. Le plus difficile, c’est que le casse-tête fait la moue, ne se laisse pas faire. Alors sur la table d’opération, ce n’est pas lui qu’elle allonge, mais elle, plutôt. S’apprête à s’ouvrir le cœur sans anesthésie pour lui montrer, le laisser observer le fonctionnement, pour qu’ensuite il puisse faire les rapprochements qui s’imposeront. Elle le lui laissera, mais Akira n’aura pas vraiment le choix, mis face à l’évidence de son existence, seulement celui de l’accepter ou de l’ignorer, de le refuser, de l’envoyer balader. Dans tous les cas, les confidences prennent des airs d’opération, Akira et Pandore en chirurgiens de renom ; ou plutôt, lui voudrait être un chirurgien quand Pandore a un livre entre les mains, lui raconte ses propres émotions pour décortiquer les siennes, obtenir la traduction - ouvrir le casse-tête. “Feels like a bad thing. It’s giving me headache. I used to not give a damn about shit like this, but now –” Elle hoche doucement la tête, parce qu’elle sait (ça se voit) qu’Akira navigue en eaux inconnues et que la différence doit le fatiguer, voire lui donner la migraine. C’est toujours plus éprouvant, d’écouter ses sentiments.
Alors elle prend les devants, se fait poète-chirurgienne en chef pour le mettre plus à l’aise, même si en réalité, c’est bien son cœur sur la table, ses propres souvenirs et ses propres regrets. “Fuck you’re good at it,” finit-il par lâcher, et Pandore hausse les épaules en silence, gagnée par la tristesse et l’impact d’un fantôme dont ils n’ont pas besoin de prononcer le nom. Elle n’a fait que lui dire la vérité, mais celle-ci a des côtés douloureux, surtout sans anesthésie. “You must’ve feel that a lot. - Yeah, I did…” Elle regarde dans le vide désormais, mais en face de ses yeux se dessine une autre silhouette, qu’elle chasse bien vite en détournant son regard. Pas suffisamment vite pour qu’il ne la remarque, évidemment. “Was it like that with him?” Elle prend un moment pour réfléchir, ruminer, comme si l’instant d’avant n’avait été qu’une analyse détachée de sa propre vie, de ses sentiments ; comme si elle n’avait fait que lui décrire le passé sans y prêter attention, mais que désormais elle se retrouve à devoir s’y plonger, pour évaluer la hauteur de la chute, et ses dégâts. “No,” commence-t-elle, avant de se rétracter à moitié, puisqu’ils savent tous les deux que ses traits disent le contraire. “and yes, kind of. It felt… natural. Like I had known him for a long time, even if I can’t say I was in love with him, since we were together for like, a month.” La voix se meurt dans un soupir, comme si Pandore refermait le livre de ses émotions, en avait eu assez. “But he’s yesterday’s news, anyway, coz we all know how that went down.” Elle laisse échapper un rire un peu nerveux, pas vraiment remise de s’être fait tromper, préfère en rire qu’en pleurer. “Come here.” Se réfugie volontiers au creux de ses bras avec un autre soupir, tous les deux dans une bulle, épuisés par des émotions parfois insupportables, quand elles ne vont pas exactement comme ils veulent. “Love’s great, but fuck can it suck sometimes. - how long to recover?” Elle rit, la tête qui se relève un peu pour le regarder avant de se renfoncer contre lui, les mains qui prennent une des siennes pour jouer avec ses doigts, alors qu’elle enfile sa chemise de médecin pour lui annoncer le difficile diagnostic. “Oh I’m afraid you’re so done for, babes. You’re in too deep, it’s not about recovery anymore. It’s about whether or not you’ll accept you love that girl.” Ça y est, elle l’a dit, de but en blanc, même sans connaître la fille dont ils parlent depuis tout à l’heure ; Akira a désormais son propre fantôme, et malgré la peur qu’il verbalise, elle ne peut s’empêcher d’être contente pour lui, qu’il puisse enfin goûter à ce qu’elle n’arrivait pas à lui partager jusque-là. “It’s not a disease, tho, and you gotta stop thinking with your head and start thinking with that,” fait-elle en levant le bras pour montrer son cœur, juste derrière sa tête. “however frightening it might be for you. You’re gonna mess up, but it’s okay, you'll get up and apologize and it will be okay. And I’m here to help, always, if you need. Even if you’re already know that.” Un sourire sur les lèvres, elle relève encore une fois la tête pour croiser son regard. “I’m happy for you. You deserve to love and to be loved. Don’t overthink it.”