maybe i lied when i said i was okay,, ruse

les jeux éternels en guise de trêve, ils sont tout aussi bruyants que leurs mots quotidiens parce que rose et ruem ne savent pas se parler calmement, crient pour les céréales terminées, hurlent pour la salle de bain monopolisée ou se battent pour la télé. il n’y a que lorsque koko rentre que les décibels descendent mais se remplacent bien vite par les regards noirs et les menaces muettes. alors la gamine chérit toujours intensément les moments où les insultes ne volent que contre l’écran et qu’ils s’allient contre les autres équipes en virtuel - parfois même, il arrive qu’ils s’enlacent en accolade victorieuse et c’est sûrement les instants qu’elle préfère. seulement, il suffit d’une puis deux puis trois notifications sur le téléphone de son frère pour que ses sourcils se froncent et que les échanges changent soudainement.

ruem prêt à partir, la gamine est en haut des marches - quasi échelle - qui joignent l’entrée, les bras croisés contre sa poitrine. “you really gonna buy some food or you gonna join adora somewhere? the same girl who was my best friend but also let me down?” parce qu’il ne sait pas, le savage, toute l’histoire qui les lie ; relation secrète tue, même à lui, qui a brisé son cœur lorsqu’elle est partie.

il n'y a qu'eux : deux astres trop brûlants pour rester aussi près l'un de l'autre. meruem redoute la collision, parce que c'est de cette manière qu'ils fonctionnent ensemble. le temps se rallonge et laisse place à l'accumulation ; aux non-dits qui n'attendent qu'une étincelle pour libérer de leur terrible. les chamailleries quotidiennes sont de mise - ils sont savage avant d'être rose & ruem - évidemment, mais quelque chose l'intrigue ; sa sœur est encore plus en colère que d'habitude. ce n'est plus la rage infantile, c'est le bourdonnement annonciateur d'une foudre qui cherche sa zone d'impact, de manière à faire le plus de dégâts possible.

et ça ne manque pas, à l'éclaircissement de son écran, posé sur la table basse. 3 notifications et le chaos. il s'apprête à aller faire quelques courses, pour que la famille tienne la semaine. à la place, il se tourne vers rose, sourcil haussé et cœur battant. parce qu'il n'a assurément pas besoin de ça maintenant. il jauge la situation un instant, avant d'annoncer un "ask her." empli d'amertume. la porte du bâtiment claque derrière lui, et le froid agresse sa peau.


son corps a bouillonné. tout du long, à chaque rayon, même au travers du ton employé pour remercier le caissier. les questions se sont bousculées et la fureur d'une dispute puérile s'est amoncelée. à son retour, l'appartement est calme. un instant, il hésite : elle est encore là, et il sait que rien n'est réglé. pour la première fois pourtant, il fait le choix de ne pas renchérir, se dirige vers la cuisine pour éviter l'affrontement et ranger les maigres achats.

le rire amer s'étouffe dans sa gorge à la réponse qui ne la surprend même pas ; ruem qui ne s'épuise jamais réellement à justifier les colères de sa sœur. alors elle finit par souffler avant de s'asseoir sur ce qui leur sert de canapé. le téléphone en main, elle défile ses notifications puis quelques réseaux sociaux mais n'arrive pas totalement à se perdre, le cerveau en ébullition, étreint par les scénarios qui s'écrivent sur l'anxiété. le nom d'adora s'inscrit en lettres capitales, laissant les réminiscences douloureuses s'infiltrer dans sa poitrine. l'abandon et l'oubli résonnent étrangement avec toutes les autres histoires, se calquent à travers d'autres syllabes, se mélangent à ren puis tommy ou encore parfois jp et la gamine se demande bien pourquoi, pourquoi meruem et pas un autre.

la porte se ferme soudain, rose perchée dans la mezzanine à la recherche d'un divertissement qui lui fera tout oublier. mais trop tard, le retour de son frère calcine ses efforts et, sans volonté de grande politesse, elle descend quand même, retrouvant la silhouette calme qui range. "guess you took some weerios.*" sans même un regard accordé, les petits doigts attrapent la nourriture pour les déposer sur l'étagère, les mots qui se heurtent à la gorge trop serrée pour la laisser parler.

*cheerios version sorciers

l'atmosphère est sèche - se fait étouffante lorsqu'elle le rejoint dans la cuisine, l'air de rien. au même instant une nouvelle notification fait vibrer sa poche, et le rangement s'arrête momentanément, doigts qui tapotent avec habilité contre l'écran fluorescent. à la remarque de rose pourtant, il lui jette un rapide coup d'œil. "yes. you guys love them." ruem n'a jamais été un grand fan des weerios ; a contre toute attente développé une passion pour les sushis destin depuis leur arrivée au japon. "you don't have to help me, there's not much anyway." annonce-t-il. ce n'est un secret pour personne ; les achats des savage se font au compte-goutte et ce mois-ci n'échappe pas à la règle. au silence qui lui répond, cependant, tout un tas de questions bourdonnent dans sa tête, mais il ne dit rien. un temps. deux temps. "you wanna talk about it like two grown adults or just ignore this new fight between us ?"

les pupilles au coin des orbites, elle observe aussi discrètement que possible son frère et surtout ses doigts qui pianotent sur l'écran de son téléphone à deux reprises depuis qu'elle l'a rejoint. lorsqu'il annonce qu'il n'a pas besoin d'aide, les épaules se haussent dans un 'kay, as you want muet - la gamine ne se fait pas prier, aussi naturelle que possible, comme si elle était à ses côtés seulement pour l'aider à ranger.

le bol dans sa main, elle ouvre le paquet de céréales tout juste acheté qu'elle a finalement laissé sur le plan de travail, sans même vérifier s'il en restait un fond dans l'ancien sachet. "we could discuss it but you won't like it." ou c'est peut-être elle qui n'aimera pas les réponses de son frère mais un léger soupire passe ses lèvres, presque résolue, alors qu'elle verse le lait. "i could ask what's your relationship with adora but will you answer me?" parce que s'ils partagent souvent les manettes de la console, seuls les désaccords et les chamailleries résonnent mais les confidences, elles, sont rarement murmurées.

"like i was the one who attack you in the first place." le rictus lui échappe, alors que ses muscles se tendent à nouveau, malgré lui. meruem ne veut pas avoir à s'expliquer à qui que ce soit en temps normal, mais les dernières semaines mettent sa patience à rude épreuve alors il n'en possède plus en réserve pour les choses qui n'en valent probablement pas la peine. "why do you wanna know ?" il demande à son tour, étirant les bras jusqu'aux étagères pour ranger les dernières réserves. et il pourrait peut-être exposer davantage de diplomatie, ne pas provoquer une énième dispute avec sa sœur qui s'ajouteraient aux autres entachant déjà le tableau de leur relation. mais quelque chose au fond de lui le convint qu'il ne devrait pas être celui bridant ses émotions pour l'épargner. elle connait sa situation ; elle sait que ses os hurlent et que son crâne bouillonne. elle sait qu'il ne cesse d'encaisser et qu'il est fatigué. "we fuck sometimes and that's it - did you check the last cereal box ? berlioz will be fuckin mad if it's not over, rose."

le lait reposé sur le comptoir, elle l’aurait sûrement laissé là en temps normal mais une petite voix lui murmure de faire l’effort de le ranger au frais alors elle s’exécute, offrant son dos à son frère, comme pour ne pas avoir à lui faire totalement face au moment où il se décide à lui dire les choses telles qu’elles sont. le visage caché dans le frigo, au moins, il ne peut pas voir ses yeux s’embuer à l’entente des mots bruts, violents, qui se fracassent contre son crâne et résonnent avec la douleur qu’elle n’arrive pas à saisir. plusieurs années séparent adora et elle mais rose se retrouve à renifler la rancoeur qui se met à déborder. un soupire camoufle le tout quand elle se décide à refermer la porte, allant chercher à contre-coeur l’ancienne boîte de céréales pour en vider les quelques miettes restantes dans son bol. les secondes grappillées lui permettent de retrouver pieds alors elle offre même à meruem un regard désabusé, aux allures silencieuses de “tu es content?” alors que ses propres mots restent coincés dans sa gorge. un énième soupire essaie de lui donner du courage et elle s’élance : “i wanted to know because adora and i have dated a few years ago but guess she never told you. she’s never told anyone anyway.” la cuillère remplace les mots quand elle fourre quelques céréales dans sa bouche, comme pour taire la confidence, celle qu’elle n’avait jamais verbalisée avant, celle qu'elle lance sans penser aux conséquences ; la vérité avant tout.

le visage que rose lui offre n’a rien de celui qu’elle revêt lorsqu’elle est en colère. tout en elle crie le désespoir – supplique silencieuse pour que meruem s’ose à tenter de comprendre les mots de ses lèvres muettes. au regard de sa sœur pourtant, il ne scille pas, l’air de dire « tu veux des détails, aussi ? » mais les phrases qui suivent sont plus surprenantes encore qu’un poignard trouvant son cœur. des explications meruem n’en possède pas ; parce qu’adora n’a jamais évoqué l’existence d’une relation entre rose et elle. la chose est si surprenante que ses mouvements se stoppent et sa bouche s’entrouvre, tous bloqués par une vérité qu’il découvre. "oh." et qu’il se sent idiot, d’avoir pris ses réactions à la légère. "no, we didn’t." l’impression de tout faire de travers l’engloutit et la boule d’anxiété reprend sa place au fond de sa trachée. rose parait tout à coup minuscule, presque mise à nue, enveloppée par des émotions dont elle ne semble pas vouloir parler. "we’re friends, you know. we’re not like- together." ce qu’ils partagent n’a pas vraiment d’importance – ne recèle d’aucun sentiment autre qu’une profonde affection, une complicité apaisante. bien loin de l’amour vivace qui étouffe sa cadette. "i’m sorry. i really didn’t know, rose." et peut-être est-ce pire ; d’être lâché pour une histoire sans cohérence, sans signification particulière. de comprendre que la personne qu'on aime ne nous appartiendra jamais (il sait). "do you wanna talk about what happened ? between you two ?" il propose, culpabilité-inquiétude lui rongeant les os.

plongée dans ses céréales, peut-être qu’elle regrette un peu d’en parler, surtout quand elle croise le regard de son frère et qu’elle y décèle autant de surprise que de navrance mais c’est si paisible d’un coup, le coeur semble plus léger, la rancoeur la quitte pour se transformer un sentiment qu’elle ne connaît pas assez pour pouvoir le décrire. c’est même presque étrange que ses mots calment la tension tout à coup, qu’il ne suffit d’aucun cri et d’aucun reproche à leur échange pour tout déballer. pour enfin se parler. alors les épaules s’affaissent, une moue se dessine sur ses lèvres et, soudain, toutes les heures passées à pester contre son frère et adora semblent injustifiées. oui, rose est minuscule, elle se sent toute petite face aux explications que meruem prend la peine de lui donner quand elle s’est seulement terrée dans une jalousie mal placée. “i-” les mots restent bloqués contre sa gorge, le soupire en libère seulement l’air et ses yeux se baissent alors que son bol retrouve le comptoir. la bouche se tord contre les syllabes qui s’accumulent à la barrière de ses lèvres. “i don’t know.” les joues se gonflent, comme pour donner de la place à tous les sons qui n’arrivent pas à sortir mais la patience s’étiole et elle abdique. “that was... a long time ago, i should just… forget about it. i mean, she seems to have anyway.” l’air désinvolte fait fausse mine sur ses traits encore blessés mais rose essaie, juste pour chasser l’embarras qui se crée entre eux. “you know what? maybe it was only me, maybe we were friends like i was with ren or…” jp. les yeux roulent à cette pensée qu’elle garde pour elle. “maybe we didn’t actually date. maybe i was the only one thinking we were so… i’m sorry, forget about it.” le mensonge n’efface pas la trace de la blessure, dessine même quelques nouveaux hématomes contre le muscle de son cœur à la mention amère de ces noms. et si c’était elle dans le faux depuis le début?

"i don’t know." et il hoche la tête, presque imperceptiblement. une partie de lui voudrait s’échapper, fuir l’étrangeté de la discussion, ne pas avoir à faire face aux conséquences engendrées par ses actes ; une autre bouillonne, colère graduelle à l’égard de celle qui a mainte fois partagé ses draps (pourquoi n’a-t-elle rien dit ?). le regard demeure fuyant, à l’hésitation de sa cadette, et il s’apprête à lui dire qu’elle ne lui doit rien, aucune explication, aucune justification, lorsqu’elle reprend : "that was... a long time ago, i should just… forget about it. i mean, she seems to have anyway." ruem laisse un temps, bouche close et mots qui circulent uniquement dans sa tête. "you know what? maybe it was only me, maybe we were friends like i was with ren or… maybe we didn’t actually date. maybe i was the only one thinking we were so… i’m sorry, forget about it." la tirade se clôture et ruem prend un instant pour peser ses mots, veille à ne pas enfoncer le couteau dans des plaies qui n’ont vraisemblablement jamais cicatrisé. "you two seemed very close. i don’t think it was only in your head, rosie." le surnom sonne faux mais glisse avec une facilité déconcertante. ils sont bien loin, les cris qui leur servent habituellement pour communiquer, la rage sous-jacente qui teinte chacune de leurs conversations. et peut-être – peut-être que meruem a toujours été trop préoccupé par son état pour se rendre compte que sa sœur se noyait aussi. "did you guys had a real closure about it ? sometimes it helps to… you know. move on a bit." gigote un peu sous l’embarras, possède l’impression de s’y prendre comme un pied. "what i’m trying to say is that maybe you should talk, because you don’t forget about things like this. you just kind of, deal with it at some point." ruem n’a pas l’habitude d’observer son visage tiré par des traits si démunis et la constatation brise quelque chose. "you deserve it." ce n’est pas instinctif, mais il s’approche jusqu’à pouvoir tapoter son épaule, en un soutien maladroit. un peu shitty jusqu’à se dire que ce n’est pas le moment pour la retenue ; avance davantage pour entourer ses épaules dans une brève étreinte, histoire que tout s’apaise. le contact se brise en un raclement de gorge discret, et son dos revient contre le plan de travail de la cuisine, doigts sur le dessous en soutien. "anyway- hm. i’ll stop everything and talk to ara. not about you if you don’t want to." il remet quelques mèches en place. "wanna play some video games ?" propose-t-il – échappatoire pour sceller la discussion. l’enterrer et ne plus y retoucher si c’est ce qu’elle souhaite.

parfois, la gamine oublie qu'elle ne ressent plus le goût, comme en cet instant où les céréales fondent contre sa langue et qu'elle n'y sent qu'une pâte molle et dénuée de saveur - elle ne s'en est pas aperçue, désormais trop habituée à la nourriture fade pour faire semblant. seulement, elle n'a plus à comme si elle n'était pas ce qu'elle était devant son frère. le réflexe est mécanique et aide surtout à cacher sa gêne, sa honte et son hésitation. comme si la cuillère entre ses lèvres étaient capables de défaire le rouge peint sur ses joues et la tristesse déposée dans ses yeux. un soupire lui échappe en même temps que le bol qu'elle tenait toujours entre ses doigts nerveux aux mots de meruem qui font étonnamment sens et qui sont aussi irritants que vrais. briser la glace, communiquer, tout ce qu'ils ne savent pas vraiment faire. et pourtant, ruem était le dernier de la fratrie avec qui elle aurait pu imaginer avoir ce genre de discussion calme et sensée.

le contact est soudain sur son épaule et désormais autour de son corps - c'est toujours contre son gré qu'elle arrive à l'étreindre et, là, tout de suite, rose n'a même pas le temps d'en profiter que la surprise occupe toutes les secondes qui ont rapproché leurs deux corps. déjà, son frère s'est dérobé mais rose se sent un peu mieux, arrive à lever les yeux sur les siens et à sourire maladroitement. "yeah i'll try to deal with it." c'est sans grande conviction que les mots sortent mais avec une soupçon de promesse. "wanna play some video games?" la proposition est salvatrice, dessine même une moue soudainement excitée à l'idée de couper court à cette discussion et de faire comme si rien ne s'était passé. "i'd love to kick your ass again."