paint my heart. (olympe)

le silence dans l’appartement était devenu insupportable.
calista s’était permise un jour de congé, un seul, à peine deux semaines après avoir repris du service à kantô. c’était beaucoup trop tôt pour ses propres standards, mais elle profita de tous ses jours accumulés et pratiquement jamais utilisés. à l’annonce de son absence, quelques regards interrogatifs sont échangés et on la pense malade avant de rassurer, qu’elle voulait juste un peu de repos et préfère ignorer la surprise qui se peint sur les traits, elle comprenait. ça ne lui ressemblait pas, les fêtes étaient passées et il n’y avait pas d’autres raisons possibles, la blonde toujours si active entre l’hôpital et l’académie. elle songe à passer la journée chez elle, sans rien faire d’autre que de regarder le plafond et observer les minutes passées. ça ne lui ressemblait pas, et gaia n’était pas là. (plus là, elle l’avait chassé de sa maison, refusait encore d’attraper son téléphone et de lui dire de revenir.) la guérisseuse n’y songe pas, ne réfléchit pas à tout ce qui est en train de se passer, de se répéter. elle était là, plongée dans une espèce de déni, une rêverie où sa fille, maintenant imparfaite, l’était toujours. que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. et là, elle avait besoin de réconfort, d’un réconfort qu’elle ne trouvera pas dans les bras de sa fille, pas là, à l’académie. alors sur un coup de tête, elle s’échappe de l’appartement maintenant vide de sens, cocon familial éclaté, pour flâner dans le parc d’expositions de la ville, sa troisième maison. familière des lieux depuis son arrivée sur l’île avec ses sa fille, elle échange quelques mots avec un des gardiens des lieux, encore familier avec son visage malgré les mois d’absence et de se glisser dans le corridor qui la mènera vers les galeries. elle ne songe pas à regarder qui est exposé en premier lieu, déphasée avant que ses pas ne se glissent dans une grande galerie, happée par la foule, puis dans une petite, plus calme, presque réconfortante. le regard dévie d’une toile à une autre et sur le flyer de l’exposition sans vraiment le lire comme elle l’aurait habituellement fait. les pas finissent par ralentir avant de s’immobiliser, songeuse, devant une toile. les prunelles dévient alors sur un petit encadrement de présentation, elle y voit le nom d’Ollie.  

Elle avait touché les terres de Kantô il y a plusieurs mois déjà, et s'y sentait pourtant toujours comme une étrangère. L'air ici était différent, la langue était différente, la culture était différente. Et dire qu'elle avait vécu là. Rien n'était reconnaissable pour ses réminiscences d'enfant qu'elle avait enfoui sous de meilleurs souvenirs ; joie (quand elle ne mordait pas) et rires (quand elle n'était pas internée) avaient succédé aux pleurs de l'abandon. Noyée sous les recherches, elle profitait à peine de la vie sur l'île, s'intéressait peu aux us et coutumes de ce caillou qui ne l'avait que partiellement accueilli. Expose tes tableaux Olympe. Fais autre chose de tes journées. À quoi bon ? Toujours la même rengaine de ses parents. À quoi bon oui. Savoir qui elle était, qui elle était vraiment, ne semblait pas réellement les préoccuper. Ou du moins ne le montrait-il pas. Ils avaient cependant fini par la convaincre, elle, la peintre en devenir, qui savait aussi bien manier le pinceau que la plume. Qui alternait entre sessions nocturnes dans son atelier et sessions diurnes à la bibliothèque. Elle dormait peu la belle Anglaise. Le parc d'exposition lui avait dit oui. Sans discuter. Charming avait-elle pensé, modifiant à peine ses sentiments pour Kantô.
22 janvier. Elle était venue. Tournait autour de ses œuvres. Vérifiait que les tableaux étaient droits, que l'éclairage était satisfaisant, mettait en avant le brillant du rouge carmin et assombrissait assez le noir nuit de ses tableaux. N'hésitait pas à bouger les spots d'un coup de baguette magique, n'en faisait qu'à sa guise lorsqu'il s'agissait de la mettre en avant, elle, et pas une autre. Surprise, elle stoppa ses activités alors qu'elle remarqua l'arrêt sur image d'une visiteuse. Bingo.
Elle s'approcha, ses talons claquant sur le sol alors qu'elle détaillait cette stature de dos. Le sérieux et la prestance se dégageait d'elle et Olympe pensa qu'elle avait trouvé son acheteuse. Ses envolées rouges et noires lui plaisaient, c'était certain. Et c'est d'une confiance écrasante, et d'un sourire enjôleur que l'Anglaise prit la parole : Pluie sur Londres. Peint il y a peu. Si vous êtes coutumière de cette ville, vous reconnaîtrez peut-être les lumières de Piccadilly Circus percer sous ce noir. Elle sa cachait sous un faux nom Olympe, se voyait comme une artiste de l'ombre, de celle qui menait une double vie, un double jeu. Mais n'était-ce pas ce qu'elle était depuis sa naissance ? Un double. Pourtant, elle n'était que fierté quand quelqu'un admirait ses tableaux, si sombres pourtant. Aucune chaleur dans ceux-là, simple exutoire de ses envies morbides. Ses prunelles croisèrent celles de la visiteuse, et elle eut le souffle coupé. Ces yeux. Son souffle se bloqua. Et elle resta coite. Ne savait pas. Ne savait plus. Se demanda si ses sens lui faisaient défaut, si le Roku en elle sentait un sang différent, particulier, si elle allait sauter sur la visiteuse, ne lui laissant aucune échappatoire. Mais non, c'était autre chose. Comme une impression de déjà vu qui s'échappait des ténèbres de ses pensées. Do I know you?

Et avant qu’elle ne puisse songer à passer au tableau suivant, une voix l’interpelle. Calista ne réagit pas mais se laisse emporter par la voix mélodieuse qui lui narre tout ce qu’il y avait à savoir sur ce qu’elle avait devant elle. Londres dont elle n’était plus vraiment familière, mais elle pouvait le visualiser maintenant sur la toile. Elle finit néanmoins par se retourner vers son interlocutrice, la bienséance le demandait, et brise son silence en un seul « thank you. », reconnaissante. La blondeur de l’inconnue était immanquable, presque aussi similaire que la sienne, inconnue qu’elle imaginait être une des galeristes, nouvellement arrivée ? C'était bien la première fois qu’elle voyait ce visage dans les environs du parc d’expositions. Mais il y avait une voix au fond d’elle, celle qui contait des histoires qui n’avaient plus aucun sens, celle qu’elle n’écoutait jamais, même maintenant, qui semblait vouloir lui parler. Elle est aussitôt coupée, effet d’un contrôle parfait son esprit. Elle s’attend par la suite à une autre anecdote de sa part avant d’être prise au dépourvue par une question qu’elle n’attendait et ses yeux se plissent, comme pour essayer de se remémorer si elle avait déjà croisé ce visage quelque part. La guérisseuse voyait tellement de nouveaux visages quotidiennement. « no, i don’t think so. » répondu aussi poliment que possible, avec un léger sourire aux lèvres, presque désolée. Elle était certaine qu’elle se rappelerait d’une fille aussi charmante, surtout si elle était portée par le même art qu’elle. « unless you often go to the hospital, or a student, you may have seen my face. you look young.. » qu’elle articule, si cette information pouvait l’aider à moins qu’elle se soit trompée de personne. Les prunelles se re-posent sur le tableau, « i'm not familiar with london anymore, but i was born there. it makes me nostalgic. » c’est murmuré alors qu’elle s’attarde sur les détails avant de se retourner vers la ‘galeriste’, en proie à une interrogation. « the painter has a particular technique... do you know why all this red and black? » 

La réponse négative se fit entendre et elle haussa un sourcil étonné. Étonnée que ses propres sens l'aient mise à mal, ne serait-ce que quelques secondes. Elle était plus réfléchie habituellement, ne se laissait pas surprendre par ses émotions si facilement : elle avait appris Olympe, à garder le contrôle, dans tout et pour tout. Pourtant la visiteuse continua son laïus, elle qui pensait la conversation close. I just began my semester here. Are you a professor or? Parce qu'elle n'avait pas l'air d'être une étudiante. You look old aurait-elle pu répliquer, mais se mordit la langue pour s'en empêcher. N'avait pas répondu à l'inquisition sur l'hôpital, aurait pu se mordre encore plus fort la langue pour se faire taire. Ne jamais trop en dire. Ne jamais trop en révéler. Surtout pas ici où tout avait commencé ou presque pour elle. Se méfier de tout. I was born in London too and grew up there. It's a peculiar city, full of surprises don't you think? Ollie is one of those painters who only paint with two colors. She wants to express human nature's perfidy, its darkness too. Red color is more colorful for her, sign of light sometimes. But also blood. She's really profound in her paintings. Elle était habituée, à parler d'elle ainsi. Peu de personnes savaient qu'elle était celle qui se cachait derrière ces tableaux ; ils étaient une part d'elle-même. Ils étaient son exutoire, son seul moyen d'oublier des souvenirs bien trop pesants, des jours où ses crocs n'avaient pu rester cachés, des jours où elle avait mordu, ou fuguée : enfant incontrôlable qu'elle était, et resterait. The gallery isn't exhibiting all of their paintings. Would you be interested if I show you more? Parce que cette femme l'intriguait, ses yeux lui paraissaient si familier : deux billes de lumière dans l'océan noir qui l'accueillait habituellement.

Elle est curieuse du pourquoi devant la toile, le noir ne lui inspirant qu’un néant absolu et le rouge, le carmin qu’elle voyait quotidiennement et son odeur, que son cerveau pouvait imaginer avec facilité. « A new student ? » L’information suffit à ce qu’elle tourne la tête vers elle, toujours ouverte à une nouvelle conversation. La blonde ne cherchait jamais le silence quand elle venait dans ses lieux, et si une conversation s’ouvrait elle rentrait aussitôt dans la brèche. L’un des rares moments où elle pouvait se le permettre, loin de sa course contre la montre. « I’m technically not a teacher, but I do teach a few hours there. Is this your first time at Kanto ? » La population semblait toujours aussi croissante, où de nouveaux visages foulaient la terre de l’île. L’attention revient rapidement sur la peinture, et elle se fait attentive à l’explication de la galeriste. Simple acquiescement à la question qui ne demande pas de réponse et aux faits énoncés, montrant toute son attention à la blonde. « I see. » communiqué après la tirade, même si elle n’en était pas certaine. Elle ne cherchait jamais à décrypter le fond du fond, ce qui se tramait dans l’esprit de tous ses artistes, parce qu’elle n’y arriverait jamais. Alors Calista se contentait d’admirer la beauté de leurs créations, et c’est ce qu’elle ferait pour Ollie. Elle se sent absorbée par ce qu’elle voit, ce qu’elle ne comprend pas au-delà de Londres. « A sign of light… Intriguing. » Sans rien ajouté de plus, incertaine. La toile la rendait presque nostalgique d’une ville qu’elle avait depuis bien longtemps abandonné, et tout ce rouge, ce noir, ne lui faisait que penser à quelqu’un, pris dans dans la tourmente. Alors quand la galeriste lui fait cette proposition, elle ne peut qu’accepter sans la moindre hésitation. « Yes, please. » Ses lèvres sont étirées, charmée par la proposition. Intriguée par les autres créations d’Ollie, si les autres peintures lui feraient ce même effet, celle d’une tristesse qui n’avait pas encore guérie. Elle ne reste pas silencieuse quand elle se laisse guider par sa cadette, « We are from the same city but we both landed here. did you come to kanto for your studies? »

Elle chuchoterait presque Olympe, dans ce temple sacré qui lui avait ouvert les portes pour exposer son art. Pourtant la conversation ne tarissait pas, et au fur et à mesure qu'elle évoluait, la jeune femme se trouvait de plus en plus intriguée. It's my first time yes. I find this city quite peculiar, intriguing. But I do miss London actually. Elle mentait. Comme un arracheur de dents. Mais que pouvait-elle dire ? Qu'elle était familière de cette île, qu'elle y avait fait ses premiers pas ? Ça n'avait pas de sens, c'était une inconnue ici. Une enfant retirée trop tôt de son berceau. I came here for my research. My field is quite special and, surprisingly, this is where the resources are most numerous. Elle était curieuse, meublait le silence à mesure qu'elle avançait vers la réserve. Ce n'était que la deuxième fois qu'elle passait à la galerie, avait préféré se griller des clopes devant les portes au lieu de s'affairer à prendre soin de ses tableaux. Elle était contradictoire. Elle était surtout stressée. I bet you like it here if you choose not to return to London aren't you? What subject are you teaching at college by the way?
Confiance dans les doigts pourtant quand d'un sort qu'elle-seule et les autres employés connaissaient, elle ouvrit la porte qui renfermait tant de secrets. And.. Ta..dah! Ollie's paintings are on this side. Some of them are still packed, but the best ones have been taken out. As you can see, Piccadilly Circus and the Tower of London are his favourite subjects. But this paintings.. Et elle fit glisser deux tableaux sur le sol, les surélevant d'un sort devant leurs yeux : these... These are darker. You can distinguish alleys but still very little light. A great deal of distress. Even something unbearable. Et elle ne mentait plus. C'était elle qui parlait. Ollie, Olympe.. et même la petite fille qu'elle était alors.
Les tableaux oscillèrent, plus très sûrs de rester stable ainsi suspendus. Les doigts tremblants d'Olympe relâchèrent le sort et ce ne fut qu'à quelques centimètres de l'impact qu'elle reprit ses esprits et sauva ses oeuvres d'une destruction inévitable. Please don't tell anyone I almost destroyed these. I need this job. Et elle s'esclaffa, cachant son désarroi et la gêne qui ne cessait de monter en elle. Cette gêne qui ne l'avait pas quitté depuis cette rencontre. Depuis que leurs yeux s'étaient croisés.

Il n’y a que de la nostalgie quand elle repense à cette ville, mais elle était acide. Plus rien ne la retenait de cette ville, pas même ses descendants, si insignifiants, ni même ses quelques amis et collègues pour qui elle avait de doux sentiments n’avaient réussi à la retenir. C’était ses sa fille et elle, contre le monde. Elle s’était faite toujours distante, et les années d’après n’ont fait que renforcer cette carapace. De cette façon, elle serait libre. Et Gaia et Aria également. La fille oubliée s’élevait à nouveau quand elle repensait à l’ancienne ville, et elle pouvait presque imaginer ses prunelles dans le regard de l’inconnue. Calista était presque ravie d’être venue aujourd’hui, et d’avoir pu rencontrer une nouvelle galeriste si intéressante à écouter. Même si elle la sentait mentir, la même émotion ressentie chez ses nouveaux patients qui tentaient toujours – stupidement – de se dédouaner avant de révéler la vérité, désolée. « it's understandable. » répondu sagement, ignorant délibérément le mensonge. Chacun avait sa propre histoire, et la blonde n’était pas en blouse. Elle ne peut que sourire avec appréciation quand la cadette lui expose une esquisse de son plan, toujours conquise par les jeunes femmes ambitieuses. C’était toujours plaisant à voir à ses yeux. « i teach medicomagic. you seem to be passionate about what you do. i hope you find what you are looking for. », se fait encourageante alors que la galeriste s’affaire dans la réserve, Calista derrière elle toujours très patiente, ses deux mains liées devant elle. Ses paupières battent aux tableaux qui font leur apparition, se fait muette alors qu’elle reçoit une nouvelle explication de la connaisseuse. Et comme celle-ci l’avait dit, les deux tableaux étaient sombres, si sombres. Son regard se pose sur la blonde alors qu’elle lui narre les détails, un sourcil s’arque sans que sa cadette ne le remarque, et ressent quelque chose de presque trop intime. Les paupières battent à nouveau et chassent l’idée de son esprit, chasse l’impression de synchronisation, et sursaute presque, une main devant sa bouche formant un o quand elle voit les tableaux manquant de s’écraser avant que la galeriste reprenne la main. « oh dear. » Le choc se transforme en surprise devant la scène qui se présente devant elle, au rire faux qu’elle imagine sortie pour faire passer son embarras. « destroy what, what are you talking about? » qu’elle lance avec un clin d’oeil avant de reposer son regard sur The tower of london et sa noirceur. Le sort avait pourtant l’air simple, et sa voix semblait tout sauf fatiguée, alors les prunelles plongent dans celle de la galeriste. « are you okay ? you don’t seem pale though, miss… ? »

Elle l’écoutait parler, peu de phrases mais tant de prestance de sa part qu’Olympe ne pouvait être qu’admirative de la femme avec qui elle conversait. Elle acquiesça aux encouragements de la plus âgée, un sourire esquissé sur des lèvres toujours tendues de stress à l’idée d’exposer dans la galerie de l’île. Et puis, l’idée qu’elle connaissait cette femme, ou du moins, qu’elle l’avait déjà croisé quelque part ne cessait de se frayer un chemin dans ses pensées déjà bien éparpillées. Les tableaux échappèrent à son attention, soupir de panique expulsé, cœur qui s’emballa mais se calma bien vite, excuse jetée à l’attention de l’autre, sérieux qui revint comme s’il n’avait jamais quitté son être. Mais elle sentit que la médicomage n’était pas dupe, sentit percer dans le ton de sa voix le soupçon. Emery répondit-elle dans un souffle. Voilà une réponse à laquelle elle ne pouvait pas mentir. Ou presque. Balaya les semblants d’inquiétude de la femme d’un mouvement lest du poignet avant de reposer les tableaux à la bonne place. Is it ok for you if we go outside? I need some fresh air. Et une putain de cigarette pensa-t-elle. Les pas étaient rapides, sûrs d’eux. À la lumière du jour elle put observer plus aisément, le filtre de sa cigarette savamment calé entre ses lèvres. Elle tirait de longues et lentes bouffées, profitait toujours de la nicotine salvatrice jusqu’au bout. Et à l’ombre (toujours), elle dévisagea la médicomage. You didn’t even tell me your name. Alors que je vous ai donné tant d'info. Elle devait savoir. Manque de tact qui coulait dans le sang, recherche constante de réponse, de solution, de quelque chose de plus. Et elle cracha de nouveau la fumée, patientant jusqu’à ce que réponse se fasse.

« miss emery. » qu’elle répète en écho en lui offrant un doux sourire, l’air emplit d’une vérité qu’elle aimait ressentir. Calista savait maintenant qui demander lors de sa prochaine visite. Elle resonge aux tableaux présentés, et tente de les imaginer dans son appartement sans jamais dire encore à la galeriste, miss emery, qu’elle comptait acheter l’un d’entre eux. L’invitation à sortir tombe à point nommé quand celle-ci le lui propose, lance un regard quand elle réalise que la blonde ne lui avait pas répondu mais ne s’y retente pas. Après tout, elle n’avait aucune responsabilité sur celle-ci. Calista répète le même geste que cette dernière quand Emery sort une cigarette, se permettant le même écart bien qu’elle n’en ait pas ressenti le besoin sur le moment. Alors que son esprit balance sur les deux toiles, la guérisseuse est interpelée par sa cadette et réalise qu’elle ne lui avait pas donné son nom quand elle avait mentionné son occupation. Une erreur qui prouve à quel point elle avait été absorbé par la visite. « calista belacqua. » prononcé de manière un peu trop abrupte, laissant échapper la fumée d’entre ses lèvres avant d’avancer, sans réaliser ce qu’il se passait devant elle, « miss emery, i wonder.. do you have a preference among the paintings you have shown me ? » elle souffle un coup, achève le batonnet de nicotine sans la finir, histoire de retrouver sa concentration d’antan. « i want to buy one, but I can't decide between the two. » Soupir devant sa propre indécision, avant de la regarder droit dans les yeux, « i'm thinking of hanging it in my living room, and i know now that you have good taste. » pas effrayée par l'obscurité qui s'en échappait. Non, Calista s'y sentait à la maison.

Les doigts jouaient avec le filtre de son baton de nicotine, le bout de l’ongle ne cessant d’aller et venir sur le papier de la cigarette avant que celui-ci ne se rapproche des lèvres à nouveau. Elle passait son temps à fumer, l’une des nombreuses addictions qu’elle se trainait comme un boulet, mais pas si menaçante si l’on prenait connaissance des nombreuses autres. La réponse tomba, poids qui l’emmena bien vite dans les tréfonds d’un marécage de souvenirs. La cigarette s’échappa de ses lèvres, entrouvertes sous le coup de la surprise. Baton de nicotine qui roula sur le sol, buta contre ses pieds avant de cracher sa dernière vapeur. Elle ne dit rien, frappée au coeur par un mélange nauséeux. Se sentit partir mais restait pourtant bien droite, se sentait hagarde mais gardait pourtant le visage serein. Tout se passait à l’intérieur, où les souvenirs affluèrent à l’entente d’un nom. Belacqua. Longtemps oublié, relégué dans le tiroir d’un passé qu’elle n’ouvrait jamais, sauf pour créer de nouvelles oeuvres. Tiroir qu’elle prenait bien soin de fermer à double tour, sans jamais garder la clé. Belacqua. Calista. La voilà l’explication. Cette ressemblance qu’elle avait trouvé frappante et pourtant si étrangère, cette sensation de deja vu qui piquait ses veines d’un venin dont elle ne pouvait plus se dépêtrer. Maman. Nom étrange qui résonna en elle. Ça ne convenait pas. Ça ne convenait plus.
Et voilà que l’étrangère, plus si inconnue que ça reprenait la parole. Ne voyait pas tout ce qui se déroulait sous ses propres yeux, faisait encore l’aveugle, comme des années plus tôt quand elle avait laissé Olympe livrée à elle-même à l’autre bout du monde. Elle battit des paupières, tenta de se reprendre. Mais la seule chose qu’elle voulait, c’était s’enfuir. Ou montrer les crocs, au choix. Mélange d’espoir et d’amour coulait pourtant dans ses veines, Olympe restait une enfant, son enfant. Elle humecta ses lèvres, racla sa gorge, écrasa le mégot sous sa semelle avant de coller un sourire factice à ses lippes, décidée à jouer un peu. Juste un peu. Avant de sortir le grand jeu et d’ouvrir le rideau des révélations. Elle dut se concentrer pour se rappeler des questions, puis reprit d’une voix qui tremblait légèrement, toujours sous le choc de se trouver face à sa propre génitrice. I love them both equally. They represent loneliness and loss. It's a curious idea to hang them in your living room, but I wouldn't dare to judge your choices. Sourcil levé sous l’inquisition, elle prit son air innocent. Celui-là elle savait le jouer à fond. Why don’t you take the two of them? Two is always better than one, don't you think? And Ollie will be more than happy if I tell her that two of her paintings have won a heart.

hésitante sur les deux tableaux à choisir, elle ignore la tempête qui se trame du côté de sa cadette. elle ignore ses pensées, manque la cigarette qui tombe mais ne manque pas l’étrange afflux d’émotions émanant d’elle après qu’elle ait donné son nom et parlé de sa petite problématique. étrangement, elle ne sent pas de satisfaction de la part d’emery quand elle lui mentionne sa volonté d’acquérir une des toiles, comme elle pouvait habituellement le sentir quand elle se sentait prête à mettre le prix pour un des tableaux exposés dans le parc d’exposition. calista s’y serait presque intéressée si son coeur ne balançait pas autant d’un tableau à l’autre, incapable de se faire une décision. son attention se retourne vers elle quand la jeune femme lui offre une solution, les émotions toujours présentes alors que rien ne semblait transparaitre sur ses traits, elle était toujours là même. curieuse alors, calista ne manque pas de regarder autour d’elles pour vérifier qu’elles étaient seules, qu’il ne s’agissait pas de quelqu’un d’autre en vain. elle ne pouvait rien dire, à part réfléchir à la proposition. ce n’était pas ses affaires après tout. « i know. i'm looking for something new. trying to see something from a new angle… i don't know how to explain it. » essayant de trouver les mots, soucieuse de ce qu’elle pourrait dire. « i wonder if my daughter will like it. » soufflé pour elle-même, enfant solaire devenu ami de la lune. mentionné alors que celle-ci n’avait toujours pas pris contact avec. et à la proposition de prendre les deux, elle se fait hésitante. elle avait bien les finances pour se le permettre, mais elle doutait. calista finit par faire son choix, adresse un grand sourire à la galeriste en remerciement. « thank you miss emery, but i think one painting will be enough for me. pluie sur londres. i’ll take this one please. » le premier de plusieurs tableaux acquis, elle en était certaine.