— we came we saw we loved

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☽. tous égos

— 10.02.2022 —

Le goût du métal et du miel se mélangent sous sa langue,
doux-amer.
Il aurait dit oui à toutes ses demandes, même si Yujin n’est pas de ceux qui se parent de caprices -c’est plutôt son rôle, celui d’être trop brûlant et d’éclipser tous les autres astres du ciel, pour qu’on ne voit que lui, ou plutôt que la lumière qu’il émane -qu’on oublie le reste. Ce soir, il n’y a pas vraiment de place pour la lumière : Assem sait qu’un appel de celui qui le fuit depuis des mois, au milieu de la nuit, n’est pas un bon signe.
Et pourtant, il est venu. Parce qu’il le suivrait au bout du monde. Des questions bloquées dans la gorge, qui s’effacent presque lorsque Yujin a la mine des mauvais jours -ceux qui mêlent colère et tristesse et qui lui font serrer les poings. Il les sait, les a comptés, même lorsqu’il n’était plus là. Les jours sans lui. Les a imaginés plus nombreux, égoïstement. C’est plus facile de croire que l’on manque à quelqu’un, que de se dire qu’il nous a oublié. Est-ce que tu m’as oublié ? Il aurait voulu qu’il le déteste, peut être, mais ça lui fait mal de s’en rendre compte devant le fait accompli.
Et le signal de détresse lui fait croire que peut être, ils sont encore accrochés. C’est peut être pour ça qu’il va vers lui comme s’il lui offrait son coeur dans des paumes ouvertes, qu’il se rapproche encore à ses mots, pour commencer une étreinte qui n’atteindra jamais sa cible. Parce que la confiance est cassée, quelque part, que les reproches lui donnent l’impression d’un coup de poignard. Et Assem reste stoïque, las. « You look like hell. » Pourtant ça sonne tendre, pourtant il s’en veut. Voudrait pouvoir rester détaché, mais Yujin arrive toujours à être beau dans sa colère. « If I didn’t have time for you, would I wake up in the middle of the night to freeze my ass off to the other side of the world ? Would I do that even if you’re clearly avoiding me since I’ve returned ? Would I ? » et sa voix tremble un peu -il espère, de colère. « Nevermind. I’ll stay. Let’s wait for the train, since you want to act like a stubborn muggle. »

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☽. tous égos

— 10.02.2022 —

Le vent des terres inconnues lui fouette le visage plus fort encore qu’au sommet du plus haut mât de son bateau, mais rien, rien n’égale la chute. Celle du coeur qui tombe au fond des abysses de la poitrine lorsque les mots tranchants de Yujin le ramènent à sa propre vérité : l’abandon en demi-teinte, presque forcé. Il n’a jamais osé lui dire pour combien de temps il partait (car il ne le savait pas et que le toujours était terrifiant), il n’a jamais osé lui envoyer les lettres dont il a noirci le papier par nostalgie, se persuadant qu’il le détestait et que c’était de toute façon mieux comme ça.
Ça fait mal, d’avoir raison.
De voir qu’il le déteste.
L’égo féroce qui se débat et tente de crier, de lui dire qu’il veut lui avoir manqué, qu’il s’en veut aussi, de lui avoir manqué, qu’il voudrait être la seule chose à laquelle il pense maintenant qu’il est revenu, (qu’il tombe dans ses bras). Ca ne marche pas comme ça. Assem était devenu un fantôme, son départ une mauvaise surprise. Sûrement qu’il l’aurait évité aussi, s’il avait été à sa place. Mais il n’a pas envie de se taire, parce que la fierté mal placée, parce que les mots font mal et sonnent injustice et qu’il a du venin à cracher pour être, lui aussi, vide à l’intérieur sans lui. « I’m not… Yelling at you. » et c’est la vérité, sa voix est blanche de colère ou de peur (celle de l’avoir perdu pour de bon après n’avoir jamais pensé à le retenir). « But you can’t say things like that. Not when I came back, not when I’m staying. I’m staying now, Yujin. I’m not leaving you. » et la promesse sonne presque comme un reproche. Il ne s’excuse pas d’être parti -pas encore prêt à le faire, même si la couronne flanche, et dans les yeux de Yujin, il voit toute la rancoeur de ceux qu’il a laissé derrière. Il voit Hauru qui lui a toujours assuré qu’il ne lui en voulait pas, mais qu’il soupçonne de mentir. Il voit Kenma et les lettres qui l’ont rassuré, il voit Alma et les larmes de rage au coin de ses yeux, et il le voit lui, dans tout le désespoir qui les lie sans faire un bruit. Alors il lui prend la main, pour l’entraîner sur un banc, un inconfortable et impersonnel banc de gare, mais ça sonne presque comme un cessez-le-feu. « You cold ? » en plein milieu de la nuit, sous la lumière écarlate de ses cheveux, il forme le souffle chaud d’un sirrocco pour les réchauffer tous les deux. Comme une caresse silencieuse, comme s’il lui disait sans un mot, I don’t want to fight.

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☽. tous égos

— 10.02.2022 —

Les mots qui se forment dans sa bouche ont un goût amer, il se mord la langue pour ne pas les prononcer, si fort qu’il sentirait presque le goût de sang rouiller contre son palet, si fort qu’il voudrait en expier les mauvaises pensées. Celles qui lui disent qu’il n’y a plus rien à sauver, que la fuite a duré trop longtemps, c’est ce que tu voulais pourtant Assem, non ? C’est ce que tu as toujours cherché ?
Qu’il te déteste,
qu’il t’oublie.
Qu’il vive sans toi la vie que tu lui aurais souhaité. Et pourtant ça brûle à l’intérieur du torse lorsque la confiance montre qu’elle s’est éteinte, (qu’elle n’a sûrement jamais été là).
Il ne dit rien. Mais il ne part pas. S’attache à son dernier espoir, il restera jusqu’aux lueurs du matin, jusqu’à ce qu’il soit en sécurité. Promesse silencieuse qu’il se fait à lui même autant qu’à Yujin, c’est une question de fidélité, peut être d’honneur. Et les tempêtes se calment dans les trêves, dans leurs soupirs. La lassitude prend le dessus, la fatigue aussi. Il connaît la façon dont son visage se ferme quand arrive les heures sombres de la nuit, l’a regardé plus de fois qu’il n’y paraît. Il l’a regardé rire, à gorge déployée comme animé d’un soleil brûlant, il l’a regardé s’endormir avec la tête d’un gamin le soir de noël, toujours épuisé, comme s’il attendait la dernière seconde pour fermer les yeux, pour ne rien rater de la vie.
Est-ce que tu l’aimes, maintenant, la vie, Yujin ? Est-ce qu’elle est plus belle, maintenant que je suis parti ?
Le vent ne suffit pas à calmer les frissons, alors Assem retire son épaisse veste pour la passer sur les épaules de Yujin et ses sourcils se froncent, lorsque ses yeux rencontrent les siens. Discute pas. Assem n’a jamais froid. Les bras croisés, devant le soleil qui s’éveille en même temps que la ville derrière eux. « Do you want to stay for a bit ? » mais il se rappelle du père boureau et des larmes séchées sur ses joues, une moue désolée s’anime sur son visage. « You’ll come back someday. It’ll be better. It’s just one portkey away, you know. » ne propose pas de l’accompagner. Il ne voudrait sûrement pas de lui pour un autre départ. Et les couleurs orangées se reflètent sur le visage de Yujin -il le regarde lui, plutôt que le soleil. I missed you. Son ventre se serre, car ils ont déjà partagé ces moments silencieux où le ciel parle à la place des coeurs. Il ne pensait pas pouvoir un jour retrouver quelque chose comme ça -et pourtant, rien n’est comme avant. Il se demande s’il lui ment pour le garder encore un peu, ou s’il le pense. « I missed you too. » lui, il le pense. De toutes ses forces.
Son visage se tourne pour retrouver le ciel, et les battements de son coeur s’apaisent en même temps que disparaissent les dernières étoiles. « Au futur. » à ce qui nous attend demain, après les trêves, et le train. Lorsque la vie sera normale, mais qu’eux seront changés. Sa main frôle la sienne sans oser l’attraper. « On reste un peu comme ça ? »