unbreakable promises (anla)

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unbreakable promises 29 juin 2021. w/ [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

dans ces soirées légères tu t’éprends des étoiles comme des silences dans lesquels tu règnes. c’est pourtant pas parti loin de tourner aux mauvaises nuits. de celles dans lesquelles tu te perds, quand ton cœur manque d’air. quand tes pensées capitulent dans les ténèbres vauriens. quand t’es figée à même ton squelette, tétanisée en pensant aux lendemains. t’as fait défiler les pseudonymes sur ton écran dans une quête vaine d’attention. shilo, sadae. rose. ryō. et kita, toujours là. de ces lettres devenues muettes depuis des semaines. mais les mains sont restées immobiles, et la lumière s’est éteinte. en même temps que celle dans tes prunelles. accoudée à la fenêtre de ta chambre, revenue à la maison quelques temps. tu t’es perdue, anla. comme on égard ses clés entre deux placards. comme ça, sans crier gare. les poumons devenus prisons, tu t’es dispersée d’un souffle discret. et ça t’as pris des minutes, des heures, avant d’inspirer. de retrouver pieds. bercée dans les effluves du jasmin, t’as basculée. t’es revenue. et t’en a perdu la fin d’une journée, désormais sous la nuit levée. alors t’as soupiré, môme des astres. t’es partie en quête des brises pour t’éprendre de ton cœur meurtri. pour disperser tes pensées parasites ; et doucement, tu t’es calmée. peu encline à la présence des autres, t’es quand même partie vers les vagues qui t’ont guettées toute la journée. tu n’as jamais craint ni la nuit ni les océans, ni les deux en même temps. même quand les deux ne t’ont jamais rien apporté de bon. à quelque pas de la maison, t’as replié les jambes contre le sable. la mer à quelques centimètres de tes pieds, tu as pris le temps de t’apaiser. de faire la paix, avec les fantômes. depuis quelques temps, les embruns sont redevenus la maison – et même flanqués de leur mélancolie, tu ne cesses de les pourchasser comme l’horizon. alors t’en es là, bière aux lèvres bercée par les ondulations sombres qui s’étendent devant toi. quand tout bascule, à nouveau. quand un prénom que tu n’attendais plus s’effraie presque sur l’écran de ton téléphone. comme un étranger pourtant familier, de ces papillons noirs qui s’élèvent dans le poitrail. la lumière blafarde se percute dans tes opales, d’autant plus quand le message se dévoile. et ça ne te prend pas plus d’une seconde, pour répondre. des années creuses emportées d’un mistral. les pensées renversées dans l’inquiétude, t’es à presque un mot de plus de l’appeler. toujours à un rien de la démesure, anla, quand ce sont tes proches qui trépassent. la décision est actée avant même d’être acquise, j’arrive. tu fais disparaître bière d’une informule, et grains de sable dans la pagaille. tu abandonnes les vagues sans un regard pour elles. elles savent que tu reviendras, mais pour noé tu ne sais pas. tu ne sais, tu ne sais plus qui il est. des années de cordialité après des années d’une douceur qui aujourd’hui parait rêvée. noé et ses mots sombres, qui prennent sens trop brutalement. t’es comme anesthésiée, quand tu te presses de le retrouver. qu’est-ce qu’il a ? qui roule inlassablement dans le creux de tes pensées alors que pourtant, tu sais. tu l’as lu. de ces lettres trop noires sous les étoiles. ce n’est pas tant qu’il ait pensé à toi qui tergiverse, qui presse les angoisses que t’as dans le sang. ce sont les termes qu’il a employé, que t’as soufflé nonchalamment dans l’urgence de le calmer. mais maintenant que tu fais la course contre le temps, tu ne penses qu’à la grenade qu’il a lâché. comme ça, après des mois ayant presque fait de vous des inconnus. t’as plus de souffle, plus de patience, plus de raison – quand tu déboules auprès des dortoirs, le regard déterminé. qui dégringole à peine en manquant de trébucher dans les couloirs. tu ne perds jamais rien, anla. ni tes peines ni ton impassibilité. quand tu l’aperçois, t’as le cœur qui se reverse mais rien qui ne transperce ton minois. « noé ! » t’as presque l’impression de flotter dans les airs, tant tu le rejoins en deux foulées trop légères. « eh, » d’une voix douce tu t’accroupis auprès de lui, à la recherche d’un souffle, d’un éclat. « je suis là. tu m’entends ? » une paume effleure son bras, d’un frisson prend conscience du garçon étendu là – et se presse contre lui, contre le passé, contre les affres vous ayant séparés. presque trop rassurée de ressentir la chaleur de son être entre tes doigts qui effleurent son visage, dégagent la tignasse à la recherche d’un présage. « allez, viens. on rentre. » tes mains passent de ses épaules à ses bras, et tu l’aides à se relever tant bien que mal. « où sont tes clés ? » tu n’attends pas vraiment de réponse. tu n’attends rien, même. tu les trouves rapidement, ouvre la porte difficilement en maintenant son corps contre le tien. « par merlin, que tu es lourd. » que tu marmonnes entre deux enjambées, pour le mener jusqu’à son lit. tu l’accompagnes dans le geste doucement, par peur de le lâcher. et d’un souffle saccadé, tu te retournes pour fermer la porte. « ok. ça va aller. » les mots se perdent entre les murs de la chambre, eux-mêmes incertains du destinataire. qui cherches-tu à rassurer, anla ? celui qui t’a appelé à l’aide, ou celle qui en cet instant, essaie de se souvenir des informations qu’elle a lu sur les buveurs de sang. est-ce vraiment vrai. est-ce vraiment noé. est-ce vraiment vous, de nouveau deux face aux mauvais dés. tu hésites un instant, parcours la pièce toujours plongée dans la pénombre. ces ténèbres que tu transperces en ouvrant le frigidaire que tu trouves dans ces gestes mécaniques. ne réfléchis pas, agis. après, tu verras. t’as toujours pas assimilé, pourtant. quand tu t’empares du graal carmin, trop froid entre tes mains moites, et que tu te retournes pour lui faire face.

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unbreakable promises 29 juin 2021. w/ [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

i forgot how it feels, to feel your heartbeat beside me. tes lèvres se pincent, se retiennent de mordre l’intérieur des joues. tu parais presque étrangère au milieu de vos pénombres, comme à regarder vos corps à travers un écran. mais ce sont bien tes mains, qui pressent noé contre toi. ce sont bien ses boucles brunes, qui effleurent ton visage. qui se parent de souvenirs fanés dans les aurores, dans les tempêtes que vos mauvaises idées ont semé. « Je suis désolé Anla. » tu secoues la tête, en négative. concentrée dans ta tâche, tu t’abstiens de le contredire – mais n’en penses pas moins. et tu peines, anla. à ne pas sombrer contre ses tremblements, à ne pas l’abandonner pour mieux ouvrir la porte de sa chambre. c’est comme à regret, que tu le laisses sur son matelas. que tu lâches ses mains comme apeurée par les mètres qui pourraient vous séparer. t’as les pensées insomniaques de toutes ces années perdues. de ces silences cordiaux ayant fait de votre séparation, une peine capitale. des écarts que tu n’as pas su prendre autrement qu’en acceptant le masque d’une inconnue. des chagrins d’enfants devenus trop grands, pour comprendre comment les rendre bienveillants. et ces gestes toujours mécaniques, dans ces pensées toujours plus stupides. « Ne… Essaie de ne pas m’approcher. » plantée au milieu de la chambre, la consternation s’effleure entre tes sourcils froncés. « noé… » don’t be a fool. les mots se meurent, comme trop souvent quand ils se veulent insolents. tu voudrais disperser ses pensées tâches, ses craintes noires. effacer vos absences amères comme pour te faire pardonner d’être témoin de sa galère. lui montrer qu’en deux pas, tu pourrais faire de son poids un obstacle commun. qu’entre vous deux, les souvenirs peuvent de nouveau fleurir. mais la réalité s’œuvre d’une affable tragédie aux lueurs carmines. d’un poids presque brûlant entre tes mains, gamine dépassée comme toujours par les malheurs des autres. par les retards qu’elle accumule et les ombres dans lesquelles elle se dissimule. tu acceptes sa décision en silence, lui accorde une confiance jamais révolue. les non-dits s’enroulent entre vous et tu pourrais presque entendre les battements de cœur, s’éprendre d’un espace trop silencieux. tu attends, anla. que les nuages se dispersent. que vos douleurs s’affaissent. et tu respectes la distance qu’il demande – des années déjà à maîtriser l’exercice sans gloire. « C’était stupide, de t’appeler. Mais c’est ton nom qui m’est venu en premier, je voulais te voir et en même temps, j’ai peur de te faire du mal. » son absence a rendu tes sentiments amnésiques, mais c’est comme retrouver les vannes d’un passé enfermé. tu bascules dans son sourire comme tu l’as toujours si bien fait, dans ses peines et ses chaleurs. dans ses promesses calfeutrée derrière les creux de ses joues, et les bonheurs incertains maculant son regard. d’une esquisse teintée d’une malédiction qu’il ne veut t’accorder, dans la lueur des canines devenues trop grandes. alors ton sourire apparait quand le sien se meurt, doucement. d’une tristesse camouflée dans les émotions réconfortantes que tu lui transmets. « ce n’était pas stupide… je suis contente que tu l’ais fait.  » tu ressens sa peine comme si elle était tienne. trop limpide pour n’être qu’un murmure qu’on oublie dans les poussières. tes mains se resserrent d’autant plus sur la bouteille profane, pour peu qu’elles ne tremblent discrètement. un peu nerveuse, probablement. en l’écoutant, tu ne sais pas vraiment comment combler ce qui ne peut l’être. tes genoux s’abandonnent d’une plainte quand tu t’avances finalement vers lui, et tu te rends compte que tu étais prostrée avec plus de force que voulue entre les fissures du plancher. « j'ne vois dans la pièce aucun autre parasite que moi. » un discret éclat s’échappe entre tes lèvres, d’une lueur que tu voudrais rassurante. tes doigts effleurent les siens quand il s’empare de la bouteille que tu lui tends, dans un frisson que ton corps accueille d’une caresse sereine. toujours quelques centimètres entre vous, pourtant. de cette distance que tu ne combles pas complètement, peut-être incertaine. peut-être par pudeur. c’est d’un pincement au cœur, que tu l’observes creuser ce mètre. se mettre derrière ses remparts branlantes, le regard aux allures d’une bête fauve. comme apeurée par ce que tu pourrais faire, ce que tu pourrais penser. mais t’es aussi paumée que lui, anla. t’as les pensées éparpillées qui ne savent où commencer. t’as les gestes incertains mais ce n’est pas tant ton hésitation, qui te blesse. c’est le rejet qu’il t’adresse. le bruit des battements qui tombent dans les fosses, dans les ombres que pourtant tu n’as jamais dispersé, des années durant. et tu les sens, les angoisses qui affluent sous le derme. les questions qui s’amassent alors que tout perd sens. tu n’as pas vraiment conscience de ce que tu lui renvoies, dans l’instant. certainement l’image d’une môme désabusée. marquée d’incompréhension, quoiqu’un peu vexée. tes lèvres se pincent, encore, et dans un soupir, tu te retournes lentement. sans un geste brusque, sans un mot de plus. sans aucune certitude – qu’il sera toujours là, quand tu te retourneras. qu’il sera toujours noé, une fois son sésame entre les bras. tu sais seulement qu’il n’est plus ton noé, depuis longtemps. et que sa nouvelle liqueur ne ramènera jamais ce possessif entre vous. mais tu sais aussi que plus rien ne te poussera vers le couloir, maintenant que tu es là. maintenant qu’il a besoin de toi. les secondes s’allongent, et tu lui laisses le temps. bras croisés contre ta poitrine, tu observes les nuances sombres d’une chambre inconnue aux effluves communes. « je n’ai pas peur de toi, tu sais. » les mots se percutent contre les murs, peuplent l’espace pour faire disparaître les gênes et les bruits indiscrets. « et ça ne me dérange pas de te voir faire ça. » ton regard cherche une accroche, effleure les désordres comme si tu ne l’avais jamais quitté. souvenirs-miroirs d’une chambre d’hôpital dans laquelle s’amassent les mêmes bazars. « tu n’as pas à avoir honte de… te nourrir devant moi. » tes dents s’emparent de ta lèvre inférieure, à la recherche des bons termes. des paroles à mettre sur quelque chose que tu ne comprends pas. qui te parait encore, comme une mauvaise blague. tu te retournes finalement vers lui, quand tu es certaine qu’il a terminé. et tu ne lui laisses pas le choix. pas d’écart, pas de sortie. en quelques gestes souples, tu t’assoies sur le matelas. face à lui. les mains posées sur ses genoux et d’une pression, l’enjoint à déplier les jambes. d’un regard face à l’autre. d’un ciel face à l’océan, comme avant. les airs déterminés, pourtant t’as retenu ta respiration, anla. souffle que tu retrouves seulement à quelques centimètres de son visage quand, doucement, tu t’es penchée vers lui pour effleurer ses lèvres de tes doigts. faire disparaître ces traces qu’il ne voudrait certainement pas que tu vois. des odeurs métalliques emplissent tes poumons, si près de lui. mais tu ne recules pas – et tes doigts passent tranquillement d’une caresse, de ses lèvres à sa joue. consciente qu’il est acculé contre ce mur. consciente, de s’affranchir de ses limites. et tu t’en fous, anla. tu laisses ce moment se suspendre entre vous, d’une tendresse aux allures étrangères. tu pourrais, le presser à nouveau contre toi. faire de tes bras des remparts contre les immondes et le monde. le bercer de nouvelles promesses que les horizons vous connaissent si bien. tu pourrais, abattre les dernières miettes. embrasser ses fossettes pour faire disparaître ses peurs, embrasser son front pour dissoudre ses tourments. tu pourrais, mais tu restes interdite. paume contre ce visage qui a disparu de tes nuits, les opales à la recherche des mots qui ne viennent pas. pour finalement te redresser, lentement. reprendre cette distance entre vos corps, en quelques sortes. tes jambes croisées effleurent les siennes, et tu aimerais qu’il en soit autrement. « désolée. » i'm sorry for that, for touching you. for staying away from you. for everything. un ricanement nerveux ébranle tes épaules, et tu passes une main dans tes cheveux. « je ne sais pas quoi te dire. » comment faire disparaître cette gêne que les années ont creusé. comment te faire oublier les peines qui s’accumulent sur ton chemin. « mais j’aimerais – je veux comprendre ce qui t’arrive. qu’est-ce qui s’est passé ? » tell me about the monsters that scare you, that took your smile away. « je te jure de ne pas partir en courant. » dans un sourire, tu tends ton petit doigt vers lui. à la recherche d’une promesse que les enfants que vous étiez autrefois, faisaient si bien. i swear not to run away... because i'm a monster too, after all.

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tu cherches son regard bas, mais comprends sa fuite. tu l’écoutes tranquillement, les mains un peu moites. paumes hésitantes le long du corps. tu as longtemps pensé à vos retrouvailles au creux de tes nuits. à mille façons de crever l’abcès que vos amours incommodés ont condamné. tout un tas de scénario pour accompagner tes insomnies, pour combler les solitudes passées d’une enfant oubliée. des histoires simples, souvent. quelque chose de maladroit, comme vous deux depuis ces premiers instants dans les couloirs. dans l’authenticité des marmots que vous étiez – que vous n’êtes plus. ça t’arrache une mince esquisse, de penser à ce que vous êtes devenus. à l’amertume des astres de vous accabler d’un nouveau mal. mais d’entre toutes ces scènes, aucune n’envisageait ce parasite. noé devenu monstre, tout comme toi. comme quoi même dans vos déboires, vous faites toujours les mêmes mauvais pas. dynamique similaire même loin de l’autre, à croire que vous êtes voués à n’être que des comètes en détresse. tu ne réponds pas à ses paroles, mais les battements se pincent. comprennent, le poids derrière les lettres. derrière l’ordinaire qu’on vous enlève maintes fois. tu comprends plus que de raison – et tu ne peux lui faire entendre. alors tu t’assois simplement contre lui en t’affranchissant de ses limites, pars à la conquête d’un territoire longtemps perdu. avant de t’excuser maladroitement, encore, d’être là, peut-être. d’être de trop, certainement. après tout, vous n’êtes plus des adolescents à la recherche d’un chemin sain. mais ses paroles apaisent tes inquiétudes, comble miette après miette les fosses des années passées. « moi, je m’en voudrais. » la douceur d’un murmure qu’on abandonne sous les étoiles. l’amertume trop sincère derrière un chuchotement de presque rien – tu ne pourrais te pardonner de le laisser derrière toi. c’est déjà le cas, et ce poids ne s’estompe que partiellement de tes épaules. tu ne sais pas ce qu’il en sera, quand tu laisseras ces murs une nouvelle fois. peut-être que tu t’échapperas mieux encore que la dernière fois. tu ne peux lui promettre d’être inébranlable, tu sais comment la fuite peut être tentante. tu n’en restes pas moins honnête, anla. t’as pas le cœur aux abandons faciles, plutôt aux regrets dociles. tu l’observes poser la bouteille par terre, et ton regard se perd quelques instants sur son contenu vide. tu ne sais toujours qu’en penser, mais ne manques pas de noter l’ironie de la situation. le fait qu’un simple objet inanimé constitue le consensus de vos retrouvailles – et quelles retrouvailles. tu t’es emportée dans la proximité avec nonchalance, pour t’absoudre de la distance. pourtant, tu sursautes légèrement quand les rôles s’inversent et qu’il vient trouver ton corps comme un coussin, comme un repère. tu le regardes avec hésitation, avant que l’une de tes mains ne prenne appuie derrière toi et que l’autre ne trouve naturellement ses boucles brunes. geste mécanique aux souvenirs passés, un peu fanés, mais toujours présents. vous offrez certainement un drôle de tableau, les deux gamins que personne ne soupçonnerait se retrouver. tu te demandes brièvement ce qu’en penserait ton frère – un pincement au cœur en sachant que ta sœur n’en donnerait jamais son avis, vouée à ses mers infinies. tu penses également à l’aînée du kaze : est-ce qu’elle est au courant de la situation ? mais la question demeure un fantôme dans l’ombre des poumons. à chaque temps, ses réponses. tu t’affaisses légèrement, dans une position plus confortable. et tu l’écoutes, noé. tu écoutes comment ses malheurs se sont trouvés dans l’ordinaire. comment par simple volonté d’être comme les autres, il a rencontré l’outre-monde. des échos fades à tes propres expériences – en même temps qu’il te raconte ses mauvais pas, tu penses à tes écarts à toi, au cœur de la forêt cette nuit-là. tu voudrais te moquer de votre mauvaise étoile, mais tu t’abstiens. il serait gauche de railler sans qu’il ne comprenne que toi aussi, tu n’es plus que l’ombre d’une humaine. tu ne retiens pas le sourire qui s’étend tristement, sous ses mots doux. tu acquiesces discrètement du minois, en caressant encore ses cheveux. « tu es parfaitement capable de te débrouiller tout seul. » que tu lui réponds finalement, pour ne pas creuser le silence. tu fronces légèrement les sourcils, mécontente. « ce qui t’arrive n’a rien à voir avec ça. t’es certainement le plus débrouillard que j’connaisse. » ce sont les années dissoutes entre les murs blancs qui l’affirment. gamins devenus mâtures par la force des choses. vous avez de nombreuses fois prouvés que vous étiez capables d’avancer par vous-même, malgré les craintes de vos proches ou des médecins. c’est aussi ce qui vous a permis de développer un instinct de survie plus important, même si vous avez deux pieds gauches. et une malchance tout aussi grande. « regarde, tu le prouves à l’instant même. t’es en train de me raconter tout ça alors que tu pourrais être planqué quelque part – » ou que tu pourrais être six pieds sous terre. « et ça, ça prouve que tu es courageux. ok ? – bien. » que tu ponctues, sans réellement attendre de réponse. tu joues un peu avec ses mèches entre tes doigts, avant de reprendre. « je repense à ce que tu disais tout à l’heure… on a vécu la moitié de notre vie dans un hôpital, noé. bien sûr que rien ne sera jamais comme avant. mais ça ne veut pas dire que ça n’en vaut pas la peine, tu sais ? » tu soupires discrètement, comme à chaque fois que tu cherches tes mots. « tu n’as manifestement pas les astres bien alignés » tu secoues son épaule d’une pression en ricanant, moquerie que tu voudrais légère pour détendre l’atmosphère. « et t’as une nouvelle poisse. » sacrée poisse. « mais t’es un battant. je le sais, tu le sais. ça fait des années que tu te bats déjà. tu peux surmonter ça, ce n’est pas plus grave que lorsque… la mort nous attendait au bout du couloir. » les syllabes se font plus sombres, plus rauques. et pourtant, ce n’est pas la première fois que vous en parlez de cette façon. mais voilà bien longtemps que tu n’avais pas évoqué avec quelqu’un, que tu aurais pu mourir plusieurs fois dans ton enfance aussi simplement qu’un claquement de doigts. que la faucheuse était votre camarade de jeu et même qu’elle a gagné, une fois, et que de trois vous êtes devenus deux bancals. tu soupires une nouvelle fois, avant de manquer de t’étouffer dans un rire soudain. « mais c’est vrai que tu n’es plus le même qu’avant. tu es plus grand et plus lourd. » ta poitrine se soulève dans les éclats et tu t’affaisses en arrière pour te calmer, le dos maintenus par les oreillers. la pression retombe passablement, dans le silence qui reprend forme. t’as toujours une main dans ses boucles quand ses dernières paroles te trouvent – et il serait vain de masquer l’hésitation qui suspend ton geste quelques secondes. pourquoi tu t’es traitée de parasite tout à l’heure ? tu ressens son regard alors que toi, tu n’observes que le plâtre. obsidiennes perdues dans le vague, égarées sur des rivages quelque part au-delà du plafond que tu toises. dans les bois, serait plus exact. tu reprends machinalement les caresses dans ses mèches brunes mais les mots se perdent, mettent un peu trop de temps à pourfendre les airs. « ah. » les images se bousculent avec affolement, bien que tu paraisses calme. quoiqu’un peu soucieuse dans les plis de tes sourcils. la grande bête, la peur qui te foudroie sur place. la morsure, et l’éveil – plus jamais la même. la lune si chère devenue une peine. et ces transformations mensuelles, détestables – trop douloureuses pour ton corps branlant. comment lui dire que tu ne sais jamais si ta conscience s’éveillera à nouveau à chaque lendemain de pleine lune. que t’es plus monstre que tu n’y parais, toi aussi. que t’as pas les canines usuelles mais qu’elles peuvent être morbides également, toutes les trentaines. que t’as l’impression de clamser à chaque fois que le canidé te fait perdre pieds. « j’sais pas. » que tu lâches finalement, simplement. « j’ai l’impression d’être une tâche dans la vie des autres. » les mots sont amèrement sincères, puisque tu y crois toi-même. persuadée de n’être toujours plus qu’une ombre qu’une réelle présence dans les peintures des autres. tu retournes la situation presque trop facilement, calfeutre le secret des paroles initiales derrière d’autres craintes. « de ne jamais être à ma place. » des pensées tellement réelles qu’elles en sont douloureuses. mais les concessions viennent sans crainte dans la pénombre de la piaule – peut-être simplement la présence de noé, qui ouvre les vannes. tu te redresses maladroitement, vient enserrer ses épaules entre tes bras pour plonger ton visage dans ses boucles. tu maintiens l’étreinte soudaine quelques secondes, en silence. peut-être par peur qu’en ne t’éloignant, toute la peine ne se déverse entre tes cils trop souvent pudiques. celle des peurs que tu lui chuchotes dans vos ombres chaudes, celle des secrets que tu lui tais sans savoir comment les prononcer. « moi aussi, j’aimerais pouvoir faire comme si tout était comme avant. » ce n’est d’abord qu’un gargouillis de mots que tu formules indistinctement, et tu libères ton visage de sa tignasse pour reformuler les mots exacts. la répétition apporte plus d’insouciance cocasse bien que teintée d’une mélancolie certaine. mais tu l’entends, ton cœur se déverser en mille morceaux. sombrer dans ces tréfonds que tu ne lui ouvres pas. tu voudrais croire à ces promesses de retrouvailles, quand déjà tu te pares des mensonges les plus âcres.