en t'écoutant, j'ai vu la mer (ayamily)

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☽. lorsque le vent soufflera, je repartira —

— 13.04.2021 —

Les torrents restent bloqués dans la gorge, et c’est infiniment triste, infiniment petit, lorsqu’il hausse les épaules à la question de Neo. « Used to it. » Il a vu sa mère s’éteindre avec le sourire-malice des mensonges,
Il a vu Noya tomber sur le sol sans vraiment y croire,
A vu les restes sanglants de Nao au milieu des bois
Il s’habituera à voir les vagues noires avaler Kita. Un cauchemar de plus et une perte -il n’a connu que ça, des pertes, des absences, celles que l’on tente de combler avec des bruits vains, lorsque le silence revient toujours. Le menton haut pour le braver, il s’en va. Tente un sourire factice. Il faut être fort, Shilo.
Et il le sera.

Seiya s’apprête à partir en silence, et sa course folle pour retrouver quelque chose qui ne reviendra jamais ne s’arrête pas, Shilo est un acharné : celui qui s’accroche au passé, parce qu’il a trop peur de l’avenir. Il n’a jamais été celui qui implore, trop de fierté, de mâchoires serrées, de regards détournés, mais pour la famille, il recollera les morceaux -il essaiera, sans doute en vain. Il avance tout de même, la mine tordue par une grimace incertaine. « I don’t know man. It’s family. We love you, no matter what -it stays with us, always. I just lost a sister, I don’t want to lose a brother, too. » Car ils ne sont pas que cousins -il le sait, espère que Seiya le sait aussi. Et célèbre une victoire lorsqu’il le suit, pieds dans le sable qui semble brûlant même la nuit tombée.

« Guess who's back ! Kita would have loved this. » Anla dévisage et il lui adresse un regard qu’elle seule peut comprendre, pretend it’s ok, car c’est ce qu’ils ont l’habitude de faire, plus encore aujourd’hui, endeuillés sous un masque de célébration. Shilo, mi-tendu, mi-soulagé, saisit la bouteille de sa sœur et en boit une gorgée. « I’m going to let you have this but you have to share. » La liqueur a le goût d’eau de mer, typiquement Aya, et brûle un peu sa gorge, mais l’habitude le fait à peine grimacer. Il entre dans le jeu de sa cadette, une main sur l’épaule de Seiya, se voulant rassurante. « Of course I did. I thought I’d start with that time we went too deep into the bay and Neomä almost got eaten by some carnivorous seaweed… What do y’all think ? » Feindre l’insouciance et se rappeler du passé.

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☽. lorsque le vent soufflera, je repartira —

— 13.04.2021 —

you are only afraid that i will finally beat you on your field! as if! qu'il s'offusque. mais elle a cette manie de lui arracher tout ce qu'elle veut, anla, avec ses grands yeux sombres. give me that… no no no no no, you crazy ? shilo's gonna kill me, neo proteste, éloignant les bouteilles, éloignant ses prunelles des siennes ; sait qu'il ne doit pas croiser son regard, pour ne pas craquer. …please. … coup d'œil en coin. elle le capture. il soupire. you're the worst. see? les yeux du denki se plissent, sa moue soûlée masque difficilement le sourire qui menace de lui grignoter les commissures. the absolute worst. mais elle sait, anla, que son pire vice est d'aimer voir les autres plonger — même lorsqu'il les aime plus que lui-même. la méfiance se peint tout de même sur les traits de neo. elle n'a pas cillé à la brûlure, comme accoutumée à engloutir quelques gorgées à la bouteille. you've done this already. when ?? tell me. sa voix a chuté d'un ton à l'approche des deux autres, comme pris de paranoïa à l'idée que shilo détecte miraculeusement ce qui s'est passé avant qu'ils ne se dessinent dans son champ de vision. i want the details. but like- not now. you know what could be worse ? me, drunk. il gémit de détresse, l'air de dire parle pas de malheur, mais en même temps il étouffe un rire sur sa gorgée ; la part chaotique en lui, tristement majoritaire, se demande à quoi elle ressemblerait, anla, dévastée par l'ivresse. we're so not talking about that with your brother right next to us. mais elle se contente de lâcher la taquinerie pour aborder dans un murmure rapide le sujet que neo s'efforce désespérément de nier pour l'heure, à prétendre que le fracas des retrouvailles n'est pas imminent, terrifiant. let's have a code or something if you need to have a moment... i don't know, you can scream ‘rabbit’ and we run away. et ce n'est pas par erreur ou par hasard qu'il attend d'être audible pour les nouveaux arrivants lorsqu'il répond : i'm not the one who never stops running away.

pourtant, il tousse deux secondes plus tard un : hu-rabbit étouffé, tandis qu'anla ignore ses bêtises et tente de couvrir ses mots d'un accueil chaleureux. de remplir les blancs, comme si quelques phrases pouvaient combler le gouffre d'une absence. kita would have loved this, ne manque pas non plus d'annoncer shilo, et ça sonne comme une mise en garde. it's not about you, se dit neo en silence, pour s'exhorter au calme. mais l'amertume trouve toutes les failles possibles à travers lesquelles se glisser, alors elle lui renvoie d'une voix amère : it's never about you anyway. il ne compte jamais, dans les équations qui guident les pas d'ekaseiya. simple parenthèse de sa vie, le bagage perdu en voyage qu'on ne se soucie pas de retrouver. et shilo fait passer la première bouteille à l'autre avant d'évoquer le passé comme s'il était encore à portée de mains, mais neo n'est pas certain de vouloir se rappeler d'une vie où seiya était son héros.

i can't— ((do this)), qu'il entame, s'apprêtant à tout stopper net. s'interrompt brutalement, les regards suspendus à ses lèvres, à ses phalanges blêmes de s'être serrées en poings brûlants, veines palpitant de pulsions de rancœur. neo est impulsif, il règle ses comptes—

mais est-ce que ceux-là en valent la peine ? deux paires d'iris lui demandent de ne pas faire ça ici, maintenant. et la peine qu'aurait éprouvée kita lui pèse déjà comme une enclume. il ferme les yeux et ment : remember. i can't remember. you sure it wasn't you ? taquine, mais son ton n'est pas aussi léger qu'il devrait l'être, son rictus est mauvais et ses yeux plongés dans le sable ; partout plutôt que vers lui. goût de cendres sur la langue, ses phalanges se drapent autour de l'autre bouteille et il engloutit plusieurs gorgées. dans l'espoir que la brûlure anesthésie ses pensées — juste assez pour calmer la tempête en lui, mais pas trop pour ne précipiter l'explosion. l'idéal serait l'équilibre, or celui de neo a basculé quand son pilier a déserté. il boit encore. all i know is that i caught the biggest eels, qu'il lance, sachant presque par cœur le débat que démarrera sa déclaration : lui qui prétendra que tout était calculé, les deux aînés qui assureront que l'anguille était elle-même prisonnière des algues carnivores et qu'il ne l'a donc chopée que par pure chance ; il sait même la façon dont la conversation bifurquera sur la panique qu'ils ont tous trois ressentie en revenant vers la plage pour découvrir qu'ils avaient perdu anla, trop naïfs de croire qu'elle les attendrait réellement là où ils l'avaient abandonnée en plaidant gentiment ((pour les deux aînés)) ou abruptement ((dans le cas de neo)) : t'es trop petite pour venir. un souvenir épique que la cassure a plus tard rendu doux-amer, comme tous les autres.

et ça monte, ça monte, à menacer de lui fendre le crâne en deux — l'envie de tout casser, qu'il noie dans une nouvelle gorgée.