ton regard est si beau dans la perdition,,

ton regard est si beau dans la perdition. 06 octobre 2021. w/ @song yuan

les yeux rivés sur le vu laissé en suspens, ça fait cinq bonnes minutes que yuan ne lâche pas son écran dans l'attente qu'une bulle apparaisse pour lui indiquer qu'elle est en train de lui répondre. mais rien. il se confronte à la lumière qui pulvérise sa rétine, se confronte au vide, au silence. laissé sans réponse, le gamin soupire, sans avoir l'intention d'en rester là. il hésite un instant à l'appeler mais sait déjà qu'il tombera sur le répondeur - l'imagine très bien regarder son téléphone sonner jusqu'à ne plus avoir besoin de raccrocher pour l'ignorer. et il pourrait la laisser seule, lui offrir ce qu'elle demande en silence mais y a cette u r g e n c e qui tambourine et l'empresse de quitter le dortoir pour retrouver sa voiture.

l'expression sur le visage d'anla lorsqu'elle est sortie du vestiaire reste gravée sur ses paupières (il ne se rend même pas compte d'à quel point il semble attentif aux détails qui se dessinent sur elle) et, déterminé à s'en défaire, yuan se dirige vers la plage pour roder avec l'espoir d'y trouver une silhouette cherchant le calme dans les vagues. il s'en souvient bien, des mots prononcés, des secrets à demi avoués. elle l'avait presque murmuré, comme si elle ne voulait pas vraiment qu'il l'entende mais c'est près de la rive, à quelques mètres des rochers - exactement comme elle lui avait décrit - qu'il semble l'apercevoir.

la voiture garée au loin, les pas ne se précipitent pas (plus), ils sont même presque discrets, ne veulent pas effrayer l'animal sauvage quand elle les entendra. et, c'est lorsqu'il arrive à sa hauteur qu'il ne la regarde plus, qu'il fait face à l'océan perdu dans l'obscurité. les mains dans les poches, il s'assoit juste à côté de la kaze et, quand il sent son regard insistant sur lui, il finit par tourner les yeux sur elle, d'un air espiègle. "tu répondais pas, il a bien fallu que je te retrouve." une évidence qui sonne contre son palais, yuan retire une main de sa poche et lui tend un paquet à moitié ouvert pour lui tendre une cigarette. "tiens."

il ne s'attend pas à une réponse, le gamin, c'est même peut-être mieux comme ça. ça lui évite de devoir trouver des excuses à la gêne alors qu'il ose à peine poser son regard plus de trois secondes sur elle. pourtant, après quelques secondes plongés dans le silence, la tête dans les épaules pour se protéger du vent, il la questionne. "t'es sûre qu'on craint rien ici? j'ai pas encore prévu de m'faire attaquer par un ayakashi." le ton est léger, amusé, pour briser le calme solennel qui les borde depuis son arrivée - l'instinct de survie défaillant, l'inquiétude ne paraît même pas dans ses yeux et c'est son sourire doucement fendu qui trahit la supercherie.

ton regard est si beau dans la perdition. 06 octobre 2021. w/ @song yuan

dans les vagues s’emmêlent les prouesses des moindres maux ; les pensées noires que tu voudrais délaisser aux flots. que les fonds emportent les cauchemars, qu’ils décrassent ces chaînes qui t’enlacent infernales. tu apportes tes malheurs comme une monnaie d’échange pour quelconque apaisement ; comme on marchande des porte-bonheurs. ces entrevues avec l’océan ont des allures de ballets désastreux, non pas moins miséricordieux. il y a ces mains muettes qui te soulagent des plaies lunaires, les marées qui te reversent à la terre avec de nouveaux entrains. toujours le même schéma pour ne pas perdre les pédales. pour garder des promesses envers les cieux. à te répéter depuis enfant que tu ne pourrais être malheureuse bercée par les éthers et les ressacs.

et pourtant –
pourtant chaque fois que tu reviens là, c’est le cœur hagard.

le cœur malade d’être prisonnière des angoisses, et des fantômes toujours cachés quelque part. dans le réconfort des embruns se pressent les espoirs d’apercevoir n’importe quoi. n’importe qui. quelqu’un. une écaille. un regard. et tes propres rétines brûlées par la lumière blafarde d’un écran que tu considères en silence. pas tellement concernée, pensées presque anesthésiées par les bruits de l’océan – mais le message chasse quelques nuages, derrière les remparts. c’est seulement que tu ne le ressens pas encore – ou plutôt, que tu feins. tu remets le portable dans ta poche, machinalement. comme chaque fois que tu balaies les gestes extérieurs enlacée par tes anxiétés. simplement, de quelques gestes las entre deux soupirs. tu répondras plus tard, peut-être – ces plus tard qui deviennent toujours des trop tard.

et doucement,
les vagues retrouvent ton calme.

plus près des astres que des autres. dans ces heures que tu voudrais voir s’étendre pour ne jamais retrouver l’obligation de rejoindre l’effervescence. de devoir reprendre sens. toujours plus en adéquation dans les silences – et les secrets que tu partages au cœur des marées. les brises emportent ta quiétude de quelques pas que tu entends entre les bruissements du vent – pourtant surprise quand les pas deviennent un visage, une silhouette qui s’installe tranquillement à côté de toi. tu manques une respiration, peut-être deux. quelque chose se renverse au creux des veines, peut-être un peu de chaleur au milieu des terreurs. tu dévisages yuan avec l’incompréhension au bord des lèvres et la panique derrière les poumons. tu crains une montée d’angoisse, mais tout reste calme. l’horizon, ton regard, sa présence. et ce sentiment feutré entre les plis de tes sourcils, que c’est yuan qui est là. pas n’importe qui. mais celui auquel tu n’as pas répondu. celui qui est venu te trouver à ton endroit. et tu redoutes soudainement un reproche, les épaules qui se contractent dans l’attente d’une remarque. môme plus habituée à être bousculée qu’écoutée. mais c’est yuan, que tu te répètes. pas certaine que sa présence prenne sens. peut-être de peur que les vagues l’emportent comme tes silences – qu’il est là sans vraiment l’être. apparu comme un pansement sur quelques plaies, comme par magie. mais les mots trouvent ton mutisme et tu bloques vers les cigarettes qu’il tend. paupières qui se plissent, suspicieuses, guettent la supercherie – mais les gestes qui acceptent pourtant l’offrande, automatiquement. avec reconnaissance. « merci » que tu souffles, la voix basse.

tu pourrais être fâchée, qu’il vienne sans permission.
parce que tu crois que ces vagues n’appartiennent qu’à toi, dans l’ombre de ces rochers abîmés (comme vous).

pourtant t’es soulagée, anla. soulagée que quelqu’un, pour une fois, outrepasse tes silences. tes obsidiennes se reflètent quelques secondes dans la flamme de ton vieux briquet. nouvelle quiétude appréciée dans la fumée que tu libères vers le ciel – visage en oblique, pour ne pas gêner le denki. positions calquées sans même t’en rendre compte, vous observez les vagues épaule presque contre épaule. une proximité que les airs te font paraître d’autant plus proche. ils t’apportent sa respiration entre les mouvements de l’eau. son odeur au milieu des senteurs d’iode. tu manques de ne pas entendre sa remarque, et secoues les épaules pour chasser la gêne que tu ressens quand tu t’en rends compte. « tu risques rien, c’est toujours très calme ici. » les mots se soufflent avec convenance, empressés de faire disparaître ce que tu crois qu’il pourrait apercevoir alors qu’il n’en est rien – qui pourrait percevoir ces troubles qui n’apparaissent même pas au coin de tes paupières. quelques secondes tout au plus pour te détendre finalement, au milieu des cendres emportées discrètement par le vent. « en fait, j’dois t’avouer que c’était mon plan depuis le début. j’voulais t’amener là pour te donner à manger aux dragons parce que j’en avais marre que toi tu ne me donnes que des sucettes. » tu ponctues ta phrase d’un mouvement de cigarette et puis, tu l’observes du coin de l’œil. moue boudeuse mais pas longtemps, les lèvres s’étirent et tu bascules légèrement vers l’arrière. à te marrer entre tes épaules rafraîchies – légères dans ce poids qui s’enlève, qui disparaît dans les mouvements de la mer. mais maintenant mon plan est tombé à l’eau que tu voudrais ponctuer, de ces mots entravés au bord des lèvres.

tu apprécies l’observer de travers, quand lui-même dévisage l’océan. tu te surprends à sourire discrètement devant les moues de son visage, mais tu retrouves les ondulations des vagues dès que tu ressens un mouvement  – de peur de croiser son regard.  « j’pensais te montrer une photo d’ici, » les mots se bousculent maladroitement, d’ordinaire bien droite dans tes phrases, tu ne sais comment mettre en parole ce que tu ressens. ce sentiment étrange d’être trouvée là, au milieu de ces moments qui te cloisonnent loin du monde. près des ombres. dans ces peurs qui retiennent ta respiration et te font souhaiter d’être oubliée. « j’pensais pas que tu te pointerais comme ça. » ça sonne comme un reproche et tu t’en rends compte deux secondes trop tard, la cigarette entre les lèvres. tu t’étouffes dans ta maladresse, tousses en secouant une main devant ta bouche. « non, pardon. enfin, si. ah – je suis surprise, en fait. » un soupir se meurt dans tes poumons et tu ramènes tes jambes contre toi, que tu enserres après avoir déposé de nouvelles cendres dans le sable. tu voudrais disparaître au milieu de ces grains, mais tu sais que rien ne transparait au creux de tes fossettes pleines. toute cette nonchalance dans le regard alors que tout ce que tu redoutes, c’est de perdre le temps au milieu de ses sourires.

ton regard est si beau dans la perdition. 06 octobre 2021. w/ @kurri anla

la noisette de culpabilité se confond au soulagement de la retrouver, yuan devrait parfois rester à sa place, arrêter de s'immiscer pour sauver les autres quand il se meurt entre ses propres murs à petit feu. il ne peut pas s’en empêcher, ne peut pas la laisser se noyer seule, est prêt à lui tendre la main pour qu’elle respire ou la laisser l’entraîner avec elle dans les vagues de cet esprit qui la tourmente. elle est bien plus qu’elle ne le laisse entrevoir, elle se confond parfaitement à l’ombre du ciel qui surplombe la mer qu’on ne voit que grâce au boucan qu’elle dévoile de son écume. si anla ressemble étrangement à l’océan, elle se terre dans son silence, ne fait pas de bruit, se cale sur les fréquences d’un printemps sans vent.

à nouveau, elle repart dans son monde dont il brise les remparts. les genoux remontés lui servent d’accoudoir alors qu’une de ses mains vient caresser le sable pour le laisser filer entre ses doigts. les yeux rivés sur ce qu’il fait, il les relève automatiquement quand elle prend de nouveau la parole et la légèreté dans sa voix le fait sourire, désormais rire, à se moquer de sa remarque. elle est tellement plus radieuse quand elle sourit. “fallait le dire, je t’aurais amadouée avec la nicotine plus tôt.” ce n’est pas parce que lui essaie d’arrêter qu’il ne pourra pas la pousser aux vices pour tenter d'apercevoir un peu de lumière qu’elle pourrait lui accorder. les sous-entendus de sa réponse sont balayés avec innocence, lui-même ne capte pas le double sens qui pourrait faire croire qu’il flirte avec elle pourtant, il ne se veut qu’amical et et rassurant (ou peut-être qu’il en a saisi les notes en bas de page et que c’est l’envie de ne pas les effacer qui le fait doucement rougir dans la pénombre).

tout à coup, il comprend la nécessité de se réfugier près de la mer, comme si elle répondait aux inquiétudes sans même avoir besoin de lui parler. c’est apaisant de sentir le frais contre ses joues et de compter sur lui pour excuser le rose qui les colore. c’est apaisant de cueillir le bruit des vagues, comme si elles avaient le pouvoir d’embarquer les tracas dans leur mousse blanche. sorti de ses songes par sa voix, “ah oui?” puis la remarque résonne en écho dans sa carcasse qui se met pourtant à rire à la confusion dont anla fait soudainement preuve. “ah parce que tu tu préfères que j’y aille? que je te laisse seule? parce que je comptais pas vraiment partir, en fait.” le ton est presque un peu trop sérieux pour que ça sonne vrai puis son sourire fait craquer les derniers mots prononcés pour tenter de dédramatiser mais lorsqu’elle se recroqueville sur elle-même, il se demande s’il n’a pas dépassé ses limites. “je peux vraiment partir, anla.” il ouvre alors une porte pour lui laisser la possibilité de s’échapper si elle se sent acculée. “ou je peux rester et te tenir compagnie, il me reste encore au moins six clopes.” la nicote pour l’amadouer.