blood in the water. (minato)

blood in the water. 03 AVRIL 2022, 11:06pm - outfit. w/ @ishida minato

des éclats s’égarent dans tes prunelles sous l’insolente lumière de ton téléphone. tu dévisages l’écran à t’en décrocher la rétine, doigts serrés sur l’appareil d’une force que tu mesures avec peine. les pixels s’animent brièvement, dans une boucle qui retourne tes pensées comme les ressacs des flots noirs. quelques gouttes éparses brouillent les couleurs alors que les nuages s’amassent au-dessus de tes pas suspendus, viennent s’éplorer de quelques pleurs frais. perchée au milieu des marches, tu considères l’image d’un regard qui pourrait en faire tomber les astres. t’es percluse entre des envies de meurtre et des poussières de douleur, à paraître figée au milieu de l’effervescence de nagao. mais les secondes tombent à mesure que la pluie devient plus sûre, et tes obsidiennes retrouvent finalement la pénombre de l’écran qui s’éteint – faisant disparaître avec lui, le portrait narquois du gamin ishida.

le souffle que tu relâches est une brûlure sans fard au creux de ton estomac – et de la fumée pourrait presque s’échapper de tes narines pour mieux témoigner du bouillon dans lequel tu te calcines. tu ranges sèchement ton portable au fond de ta poche « you jerk », en croisant le désarroi d’un visage hagard passablement concerné par l’insulte que tu abandonnes dans un excès de rancœur. tu ne décroches pas de son regard dans ce combat silencieux jusqu’à ce que le sorcier baisse la tête et que tu reprennes le cours de ton existence. tu dévales le reste des escaliers sans plus de considération pour les autres âmes qui se pressent de rejoindre leur destination sous les battements d’une pluie désormais diluvienne. ce ne sont pas les lueurs des néons humides qui déferlent sous tes obsidiennes sombres mais toujours ces mêmes fossettes discrètes qui hantent les pénombres de tes paupières. tu n’es pourtant pas en reste dans ces graines de colère, semée par tes soins en t’abonnant à ses notifications. t’exaspérant toujours plus en découvrant une nouvelle photo insolente de minato – ne pouvant t’empêcher d’être piquée plus que d’autres par ses apparences furtives, toujours postées sur le tard pour ne pouvoir saisir l’occasion de le rejoindre à l’endroit. tes pensées s’assiègent d’humeurs vauriennes alors que tu transplanes non loin de l’entrée d’une boîte de nuit, dans les éclats mécontents des passants que tu surprends dans ton empressement.

tu réapparais entre deux stands de poisson vides, au beau milieu d’un port passablement déserté en cette heure avancée de la soirée. légèrement sceptique quant à la destination que tu as suivi sans même t’en rendre compte, et pourtant – pourtant dans les gestes mécaniques, se retrouvent des instincts certains d’une décision pas moins importante. une urgence se presse dans les aigreurs de tes veines et tu reprends tes foulées de course sans faire plus attention à ce qui t’entoure. les souvenirs s’emmêlent à mesure que les gouttes de pluie s’échouent sur ton visage. tu ravales la distance d’une humeur indiscernable, maugréant de temps à autre contre un badaud couche-tard qui ne se serait pas poussé assez rapidement dans ton chemin incohérent. tu reconnais quelques visages dans les recoins les plus sombres des échoppes en bois, toujours ces mêmes vauriens en quête d’âme à dépeindre de leurs promesses mauvaises – mais personne ne se prête au risque de t’interrompre dans ce qui se ressemble le plus à une course vers les désastres. tu ne ralentis le pas qu’en reconnaissant au loin les lumières blafardes derrière les rideaux du petit restaurant de ramen… manquant de trébucher (ce qui ne te ressemble pas) en apercevant fatalement la personne qui quitte les lieux au même instant.

ton regard s’écorche, s’accroche, se désintègre en suivant le dos de la silhouette, de ses muscles fins que tu devines entre les battements de la pluie aux mèches sombres dont tu reconnais le parfum sans même en avoir les odeurs. et tu n’as besoin que de quelques mètres d’une foulée gracieusement légère pour rattraper le fantôme auquel tu n’as fait que penser toute la soirée durant. que de quelques mètres, pour faire apparaître le katana dans ta main droite – plongeant sa lame vers la nuque dégagée du jeune homme. la fraicheur de l’acier vient mordre simplement d’une caresse la peau que soudainement, tu souhaites lui arracher. « minato. » son prénom se presse entre tes lèvres dans les contrastes d’une buée entre la chaleur de ton souffle et la fraicheur des lieux – d’une murmure presque indistinct dans les émotions que tu camoufles pourtant comme une reine. tous deux finalement immobilisés sous les nuages aussi lourds que vos cœurs. temps déplorable au cœur du printemps naissant, à croire que les cieux battent les terrains pour vous deux. pour mieux vous détruire au milieu de vos troubles odieux.

tu le laisses se retourner vers toi sans pour autant dégager ton arme, des relents électriques apparaissent entre les plis de tes vêtements détrempés. « feeling a little bit nostalgic? » tu fais allusion à l’échoppe dont vous vous êtes à peine éloignés – à ce restaurant qui a connu nombre de vos réconciliations quand vous étiez adolescents, quand les ramens venaient absoudre vos disputes trop souvent violentes, bercés par les vagues animées d’un port toujours agité. « have you lost your common sense? » tu enchaines d’une nouvelle question encore plus exaspérée que la première, désignant son visage d’un signe du menton. il n’a pas les traits altérés, pas même une trace d’illusion. un fait qui t’arrange mais pas seulement, dans cette inquiétude que tu fais taire derrière les colères qui s’éveillent – mais tu n’es pas la seule à le pourchasser dans ces terres, et tu le sais. « don't even dare to do your fucking tricks » c’est dans une intonation plus morne que tu poursuis, quoiqu’un peu fatiguée. des poursuites sans aucun sens. des haines qui s’accumulent toujours plus sans trouver l’échappatoire le plus juste. « – i'm not in the mood to chase ghosts. » vos silhouettes levées contre les marées sombres ont des relents d’une histoire passée – deux mois après, à la minute exacte où vos lèvres se sont rencontrées.


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blood in the water. 03 AVRIL 2022, 11:06pm - outfit. w/ @ishida minato

les paumes ouvertes vers les cieux ont des allures d’abdication, mais pourtant ce n’est pas la saveur de la victoire que tu ressens dans le creux de tes entrailles. ce n’est pas l’abandon auquel tu aurais voulu t’attendre – auquel tu espérais dans les nuits les plus sombres. tu l’as attendu des semaines durant, des années, avant de te faire à l’idée que ce serait de tes mains qu’il perdrait pieds. tu as convoité cette guerre pour tromper les silences, tu t’es laissée submerger par des colères les plus mauvaises pour ne pas penser à l’absence. tu t’es persuadée, remi. persuadée que ces courses-poursuites sous les étoiles n’auraient qu’une agonie comme dénouement. mais rien n’a la saveur que tu attendais, que tu convoitais. presque à te complaire dans ses fuites plus qu’à regretter de ne pouvoir l’arrêter. parce que tant que minato s’échappait d’entre tes rancœurs, il demeurait vivant. tu patauges dans tes courroux dégueulasses depuis si longtemps que t’en as presque oublié que l’idée première était de le retrouver encore entier. et c’était peut-être mieux ainsi, finalement. que vos chemins ne se croisent pas vraiment.
 
parce que maintenant, tu te demandes si tout ça n’est pas qu’une vaste blague. ses paumes vaincues ont des relents de fin du monde, de son monde et tu regrettes une seconde. en le dévisageant à travers la pluie battante tu te rends compte des détails que tu ne voudrais pas considérer. son regard est désespérément plus vide qu’à l’accoutumée. tellement que tu pourrais presque percevoir tes éclats orageux à travers ses yeux véreux. les gouttes ruissèlent sur vos corps sans rien enlever de ses traits que tu voudrais effacer. tout aurait été plus simple ainsi, des peintures délavées par les eaux avant que les grands maux n’en fassent des martyrs condamnés. t’as presque envie de lui arracher ces yeux en perte de souffle. bouffée par les violences que tu ne connais autrement – à vouloir prendre ce visage trop parfait entre tes griffes pour lui rendre compte des immondes qu’il a laissé dans son abandon. mais ce ne sont pas tant les silhouettes qui pleurent dans ses yeux qui renverserait presque son sort – c’est sa voix. et les myriades d’inflexions lasses au-dedans. minato renonce et tu voudrais l’engueuler de rendre tout ça plus facile que ça ne le devrait. tu voudrais lui faire regretter, de capituler.
 
tu marques une hésitation, tu en as conscience. de ton bras toujours tendu comme le glas d’une justice qui n’a toujours été que tienne. mais tu ne laisses rien paraître sur ton visage. de ces mots fanés qui te font poser mille questions, remettre en cause le sens de ces affrontements. peut-être que tu devrais faire la peau à ces autres d’abord. lui laisser le temps de se remettre en le défaisant de ses démons – pour mieux lui faire la guerre comme avant. peut-être que tu devrais lui accorder clémence, et le retrouver quand ses tempêtes seront en mesure de se soustraire aux tiennes. lui laisser une chance de s’échapper, et recommencer. mais t’as pas envie, remi. d’être compréhensive. accommodante, bienveillante. t’en aurais presque la nausée de t’en remettre si bas. t’as plus envie d’attendre. plus envie de te demander sous quelle facette tu le croiserais sans pouvoir le reconnaître, sans pouvoir le toucher. t’as pas plus de regrets qu’il ne les chasse de lui-même dans ses paroles. balayés par les mots que tu ne saurais entendre dans ton égoïsme sombre.
 
tu abaisses ton arme menaçante, persuadée quelque part qu’il ne te trompera pas. pas pour s’en défaire, en tout cas. « you’re tired. » que tu répètes, calmement. comme tu soupèserais des mots pour mieux les considérer. ton regard encore vissé dans le sien comme ils se sont toujours façonnés ensemble. à la différence près que dans vos orages semblables, les tiens sont au bord du déversement. et ce qui grimpe dans tes veines n’a pas la patience qu’il pourrait attendre. ce qui cavale dans tes pensées à renverser tout cohérence se fait de plus en plus grand. de plus en plus monstre. tu pourrais ressentir tes muscles s’immoler de ces flammes immondes qui rendent tes fureurs toujours plus narcissiques. « and i’m not? » c’est sur la même intonation quelconque que tu lui retournes ta question. impassible, à croire que tu aurais perdue toute envie. mais ça monte, encore et encore. lentement dans les nuages qui s’amassent sous tes paupières. dans les nécroses qui s’emparent de ton sang pour le rendre toujours plus brûlant contre tes tempes. tu voudrais lui arracher ses derniers mots, qu’il s’étouffe dans ses paroles plutôt que de se montrer aussi vulnérable. t’aurais préféré de rien entendre, remi. continuer vos querelles comme vous savez si bien le faire – comme tu le fais encore, consumée dans ces colères que tu ne retiens pas. « after all these years »  les syllabes prennent de la hauteur, dans cette voix où s’éveillent les haines et les désastres. « looking for you but you – » tu te rapproches imperceptiblement, venant presque écraser ton doigt sur son visage détestable. désignant le coupable alors que d’entre vous d’eux, t’es peut-être pas la plus innocente des mauvais dieux. « you have decided to be untraceable. » tu te rapproches encore, grignote centimètre après un autre pour ne laisser que vos souffles chauds entre les gouttes de pluie. « then you posted your shitty selfies. » and made me go insane. tu abaisses ton doigt accusateur dans cette paume que tu refermes, que tu resserres de toutes tes forces. les muscles de la mâchoire contractés, et les sourcils salement froncés. c’est naturellement que les étincelles viennent recouvrir ta peau, tes vêtements, toute ta personne, à mesure que tu dévales dans ta colère. tu te contiens avec peine, tes poumons pourraient s’en étouffer. parce qu’il n’a pas le droit. pas le droit d’admettre ses abandons, ses fatigues. pas le droit de s’en remettre à ton mauvais sort si facilement quand tout ce que tu as fait, n’a été que de poursuivre son fantôme selon ses conditions. « you » premier coup contre son torse, du plat de tes mains. « started this little game with your » deuxième coup, un peu plus fort. un peu plus foudroyant, certainement. l’électricité évolue sur chaque parcelle de ton corps sans que tu ne la retiennes vraiment. « own rules and now you’re tired. » ta voix s’envole étrangement sur tes derniers mots tellement tu ne conçois pas qu’il pourrait en être autrement. dans le même temps, tu le repousses d’autant plus fort que la décharge électrique est réelle, cette fois. peut-être qu’il en recule sous l’impulsion, mais tu ne bouges pas. les godasses tellement plantées dans le sol qu’elles pourraient se dissoudre dedans. ton katana s’est dissipé dans un sortilège informulé avant que tu ne le repousses, et tu ne cherches pas à le ramener. « are you fucking kidding me? » c’est de tes mains que tu voudrais lui faire manger tes haines, tes peines. tu lui cries dessus sous les moqueries du ciel noir et de ses pleurs froids. « baby boy wants a break? » tu ricanes dans les trémolos aigues de ta voix. « damn hell you’re a slippery vermine but not a feeble douchebag. be a man, minato. » le regard que tu lui adresses pourrait en faire trembler les enfers. sans une hésitation, sans un seul fichu regret, pour tes provocations. « for once. »

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