les mains sales (seiren)

Les mains sales — littéralement. Les mains sales et le cœur en suspens, la gorge bloquée, les poumons qui n’osent plus respirer. Gaia regarde ses doigts avec tout : peur, panique, colère, tristesse. Elle secoue la tête, jette des coups d’œil alarmés à la ruelle qu’elle vient tout juste de quitter, puis à ses mains, puis à nouveau à la rue désormais vide. Tremblante, elle voudrait marcher, surtout s’en aller, partir le plus loin possible, mais elle ne peut pas, on la verrait, et qu’est-ce qu’on penserait ? Elle serait envoyée en prison ou dans un hôpital sorcier, peut-être qu’ils apprendraient ce qu’elle a fait, que le monstre a pris le pas sur Gaia. Bouleversée, elle ne parvient qu’à fondre en larmes, la tête qui tourne et les pensées-capharnaüm, incohérentes, à presque en espérer la présence de Berlioz. Il pourrait la rassurer, après tout, ça a déjà dû lui arriver — oui, quand il l’a transformée, elle. Impossible de l’appeler alors, par fierté, au moins. Elle se sent incapable de lui montrer qu’elle n’a pas réussi à résister, que boire quelques gouttes de sang de synthèse n’était visiblement pas suffisant pour tenir sur la durée. Et ça n’aidera pas le procès, de l’appeler à l’aide, ça aiderait trop son cas, elle ne serait plus crédible. Mieux vaut rester prostrée près du lieu du crime, à s’en vouloir, à s’en vouloir tellement que la crise de larmes reprend de plus belle et que Gaia tombe à genoux, les mains qui se posent sur son visage, le tachent de sang, peu importe, elle ne ressemble déjà plus à rien.
Ce soir, elle a mordu quelqu’un. Cette pensée la heurte de plein fouet, l’empêche à nouveau de respirer. Elle veut mourir, à nouveau. Trouve malgré tout la force de se relever, fermer les yeux et d’imaginer partout sauf ici. Ignore tous les risques de désartibulement — elle voulait en finir, de toutes façons, si elle le devait, ce serait le destin — quand elle transplane en catastrophe jusque devant la porte de Seiren, le poing qui s’abat doucement contre la porte et y laisse une trace de sang qu’elle n’a pas la contenance de tenter d’effacer. Et en attendant qu’il ouvre la porte, Gaia regarde ses doigts baignés de sang à travers les larmes, réalise peu à peu qu’elle n’a pas rêvé et que l’enfer est devenu plus brûlant encore. Obligée d’y croire, même.

C’est une nuit sans rêves, l’impression désagréable dans la gorge et les étoiles qui peinent à se montrer -il a toujours détesté la pollution lumineuse de Nagao même en appréciant sa vie vibrante, a souvent préféré se retirer chez ses parents où le ciel était plus clément. Hésite à composer sur son téléphone le numéro de Kenma, dont la présence pendant le sommeil est toujours rassurante, mais peur de déranger ses colocataires dans un appartement déjà surpeuplé. Alors Seiren fait les cent pas dans sa minuscule chambre d’étudiant, en réfléchissant à mille à l’heure à ses projets en cours : le cadeau d’anniversaire de ses sœurs (de Pandore), de Kenma, son projet de mémoire -sur lequel il bloque en ce moment, l’aide qu’il apporte à Noriko, le prochain devoir à rendre. Ça l’étouffe un peu, soulagement lorsqu’il entend des poings frapper à la porte. « I’M OPENING ! » qu’il hurle à la volée sans même savoir si ses colocataires sont présents, ou endormis.
Le spectacle est digne d’un film d’horreur, mais il est plus inquiet qu’horrifié. Hémoglobine tâchée sur la peau d’albâtre, d’ordinaire si parfaite, de Gaia. Il sait sa transformation récente, le mal être et en ce moment, pire que jamais -les débuts, il a lu dessus, fascination étrange, a lu plus encore depuis que sa meilleure amie s’est faite mordre par (il ne sait encore qui). Son premier réflexe est de la prendre dans ses bras -il ne supporte pas ses larmes. Étreinte rassurante qui l’enveloppe, elle, en entier, Seiren n’est pas très grand mais plus grand qu’elle, et le quidditch lui a offert un semblant de rembourrage après l’absence de muscles de ses premières années d’adolescence. « It’s ok. I’m here. It’s gonna be ok. » et il la berce, sans même savoir de quel vice elle est atteinte -pas compliqué à deviner au vu du sang s’étalant sur son amie. Quelques minutes passent avant qu’il ne se détache d’elle, retire la veste qu’il porte et la pose sur les épaules de Gaia. Il ne peut pas la faire entrer, pas comme ça, pas alors que quelqu’un pourrait les voir -mais en même temps quelqu’un pourrait passer dans le couloir. Alors il la tire par précipitation à l’intérieur, referme la porte, et la prend de nouveau dans ses bras. « What happened, baby ? Whatever it was, we wil fix it, I promise. » S’il prendrait sans hésiter un avada pour elle, il serait aussi capable de cacher un corps, si elle lui demandait.

Elle n’a jamais autant tremblé. On en est à mille sur l’échelle de Reichter, plus encore sur celle de Gaia, qui ne voit pas la porte s’ouvrir et pleure de plus belle en sentant des bras l’entourer d’un coup, si bien que les larmes se teintent de rouge, coulent sur la veste dans laquelle elle s’enfonce instinctivement, la peinturlure de sang. Les épaules se soulèvent à chaque sanglot, Gaia en oublie de respirer — puis le fait, d’un coup, le pouls qui s’accélère et elle qui repart de plus belle dans une flopée de sanglots. « It’s ok. I’m here. It’s gonna be ok. » Presque envoyée ailleurs par le bercement, elle continue à se déverser dans ses bras, assaillie par les images, les souvenirs, son corps sur le pavé. Est-il encore en vie ? Faites qu’il soit encore en vie, qu’elle murmure silencieusement, parce qu’elle ne veut pas réaliser ce que la réalité lui impose, préfère se réfugier dans le déni. Sauf qu’il y a trop de sang, trop de tremblements, et qu’elle en oublie tout, surtout s’il est parti de la ruelle en vie. Nouvelle crise de larmes, elle grimpe des montagnes et les descend à toute vitesse, jusqu’à ce que Seiren se recule, la couvre de sa veste tâchée de sang. Pour quelques secondes Gaia s’arrête de pleurer, les traits qui viennent de subir Verdun, le nez qui renifle et les yeux dans l’attente de son prochain geste, les mains en suspens entre eux, tremblantes. Il lui suffit d’un regard pour se heurter à nouveau à la réalisation de ce qui s’est passé (de ce qu’elle a fait), mais elle n’a pas le temps de se remettre à pleurer qu’il la tire à l’intérieur, lui redonne un cocon apaisant dont Gaia s’épanche volontiers. « What happened, baby? Whatever it was, we will fix it, I promise. » Et par sa présence, sa voix, elle se sent tout de suite en sécurité — mais c’est elle dont il faut se mettre à l’abri, c’est elle le monstre qui a mordu un inconnu, et cette pensée la panique, si bien qu’elle repousse Seiren d’un geste vif, de peur de le mordre lui aussi, les prunelles prises de folie et les dents macabres qui menacent de sortir, une expression d’horreur sur le visage dont les traits horrifient déjà. « No, I’m gonna, no, I’m afraid I’ll-I’ll hurt you too, like-like.. like him, » Elle revoit son visage, son sourire aguicheur, revoit précisément le moment où tout a basculé et où elle n’a plus pu résister à l’appel de sa gorge. « He was so insistent, I just-I just wanted him to stop, to-to leave me.. alone, but he… » Regard vers ses mains tendues vers Seiren, comme une supplique gestuelle de ne pas l’approcher pour ne pas se mettre en danger, incapable de savoir si elle pourra se retenir alors que lui n’a rien fait, lui est son meilleur ami. À lui elle ne ferait jamais aucun mal. Elle s’effondre au sol dans une nouvelle crise de sanglots, les mains qui viennent finalement lui cacher le visage, épancher les larmes, alors que Gaia n’a plus qu’un mot à la bouche, entre deux respirations saccadées. « Monster… I’m a monster… »

C’est son coeur entier ouvert en deux qui semble goutter de sang sur le sol de l’appartement. C’est la poitrine donnée au silence qui agite Gaia, malgré les pleurs et les tremblements -il aurait préféré des cris, même à défaut d’explications. Il n’en a, de toute façon, pas besoin, pense savoir ce qu’il s’est passé, et retient la question fatidique. Did you kill him ? Et il la connaît, il sait, qu’elle-même n’en sait rien.
Mais elle le repousse, et il s’éloigne de quelques pas, titube sans tomber. La glace se fissure, et les larmes montent -il les retient, ce n’est pas à lui de pleurer, c’est à lui d’être rassurant et fort, et d’aider, toujours. « Gaia... » tout se brise mais tout peut se recoller, il le sait, l’habitude de réparer, les gens et les personnes. Elle ne lui fait pas peur, alors il s’approche. Tombe sur le sol après elle, et l’enlace de nouveau. « You’re not going to hurt me, you couldn’t. You’re ok, you’re ok. » La laisse s’épancher contre son torse, sans se préoccuper ni du sang ni des larmes. « Plus, you seem well fed, your skin is glowing… I should try blood as a skincare routine too... » tente de sourire pour détendre l’atmosphère, sans se rendre compte de sa maladresse. Mais il sèche les larmes, en continu, sur le visage qu’il n’a jamais vu comme monstrueux -ne pourra pas, ne pourra jamais la voir de cette manière. « You should take a shower, ‘kay ? I’ll help you if you want. » Sans arrière-pensée, Gaia qu’il n’a jamais vue comme autre chose qu’une amie chère, peu attaché à la nudité -l’intimité se trouve ailleurs. Et le moment aurait, de toute façon, été mal choisi.

Elle ne regrette pas d’être venue ici, rassurée parce que Seiren est un pilier, l’a toujours été. L’empêchera de tomber, portera la structure du monument pour qu’il ne s’écroule pas, deviendra Atlas s’il faut porter la planète entière pour aider ses amis. « You’re not going to hurt me, you couldn’t. You’re ok, you’re ok. » Alors elle ne le repousse pas plus lorsqu’il revient à la charge, peut-être parce qu’elle sait qu’il a raison, bercée par ses paroles et apaisée par sa chaleur. Quand elle lui dit qu’elle ne lui fera rien, elle y croit. Quand il lui dit que tout va bien, elle y croit. Elle hoche doucement la tête, encore en larmes d’un torrent qui s’apaise, de flots de plus en plus calmes. « Plus, you seem well fed, your skin is glowing… I should try blood as a skincare routine too... » Souffle dans un rire étouffé, d’un « Idiot » murmuré qui sous-entend un merci resté silencieux, d’un regard croisant le sien. Elle n’a pas besoin de le dire parce qu’il le sait, que malgré sa maladresse ses conneries lui apportent un peu de baume au cœur. « You should take a shower, ‘kay ? I’ll help you if you want. » Elle hoche la tête, ne réfléchit pas longtemps pour accepter sans mots, sans se poser de question, après tout ils ne se sont jamais vus autrement que comme des moitiés de cœur. S’accroche à lui jusqu’à la salle de bain, les mains qui n’arrivent à rien et les yeux horrifiés lorsque baissés, ils croisent le sang sur ses vêtements, aussitôt gorgés de larmes incontrôlées.

Essayer d’être un soleil dans la nuit noire -il sait faire, l’a toujours su. Seiren en astre qui rassure malgré la panique qu’il ne montre pas. Tout ira bien, il le répète, à Gaia, à lui-même, au destin qui s’acharne et qui décide de la briser entre ses bras. Mais tout ira bien, s’ils parviennent à ne pas se lâcher. Et il n’a pas l’intention de la lâcher. Elle s’apaise un peu, entre ses bras, ne le repousse plus, et il sent son coeur repartir. Ne sait pas ce qu’ils feront pour réparer le flot de sang, les torts et les erreurs, mais elle lui fait confiance, et c’est quelque part le plus important. Lorsqu’elle le suit jusqu’à la salle de bains, et qu’il découvre sur le carmin en tâches un regard de dégoût, il prend son visage menu entre ses mains. Il n’y a rien d’autre qu’eux sur terre. « Look at me, only me, ‘kay ? I’m going to undress you now, don’t be scared and if I do something that you don’t want, you tell me and I stop. You got this. » Ce n’est pas la première fois qu’ils se retrouvent dans l’intimité, rare personne en qui Seiren a tellement confiance qu’il ne tentera rien de plus -surtout dans un tel moment. Ses mains, si elles sont pourtant maladroites et souvent tâchées de cambouis, se font douces, les caresses d’un oiseau qui retirent les vêtements poisseux comme les pétales d’une fleur fanée. Il aurait pu régler la chose en un coup de baguette, mais sa magie est capricieuse, et n’est pas sûr de vouloir risquer un drame -parfois, la manière moldue est la meilleure de procéder. Et Gaia se trouve finalement sans vêtements, elle a l’air encore plus petite qu’avant, plus vulnérable encore. Alors il dépose ses lèvres sur son front. « You’re beautiful. »

Elle s’accroche à son meilleur ami comme à une bouée secouée par le tumulte d’une tempête incontrôlable nommée panique et sent le monde s’écrouler à la vue du sang tâchant ses vêtements, parce que chaque goutte la ramène à la ruelle, au cou de l’inconnu, à son attitude désagréable et trop lourde pour être supportable, l’odeur enivrante de l’alcool (de son sang) et détestable de son sang (de l’alcool). Se déverse en larmes-tsunamis, les épaules secouées de sanglots et le nez qui renifle sans pouvoir s’arrêter, elle s’arrête une seconde en sentant les mains de Seiren se poser en douceur sur ses joues, le regarde avec peine, honte et amour, toute tremblante. “Look at me, only me, ‘kay? I’m going to undress you now, don’t be scared and if I do something that you don’t want, you tell me and I stop. You got this.” Elle hoche à peine la tête, obéit sans réfléchir et tente de se concentrer sur ses yeux qui la rassurent en un regard, se force comme elle peut à ne pas baisser les siens, même dans une tentative d’auto-destruction ou de punition. I got this. Le corps tremble comme une feuille, d’angoisse et de honte puis de froid, mais si les larmes persistent à couler sur ses joues, cette fois elles le font en silence. Gaia continue à pleurer mais s’est calmée, fixe Seiren comme il le lui a demandé, sans penser au fait qu’elle se retrouve bientôt nue devant lui, seulement apaisée par sa présence et son aide, les yeux qui se ferment quand il l’embrasse sur le front et le cœur qui semble respirer à nouveau, grâce à lui. “You’re beautiful.” Et à cet instant c’est vrai, elle a comme lui l’impression qu’il n’existe plus qu’eux, que le monde peut bien s’arrêter et que rien ne les touchera.
Le silence qui suit dure peut-être une minute mais Gaia a l’impression qu’il a duré des heures, s’est mu en soleil venu réchauffer l’après-tempête, nettoyer d’un geste d’amour les débris laissés par le tsunami. Quand elle finit par rouvrir les yeux, elle ne pleure presque plus. Parvient à s’appuyer sur lui (toujours sans baisser les yeux, elle a promis, même sans le dire) pour entrer dans la douche, tressaute lorsque l’eau chaude s’écrase contre sa peau. Se force à ne pas imaginer le sang couler le long de sa poitrine, de son ventre, de ses jambes, se dirait sans doute que c’est autant de sang qui devrait être dans les veines de l’inconnu. Ne sait pas combien de temps s’est écoulé quand l’eau se coupe finalement, n’ose toujours pas baisser les yeux.

Et il pleut sur ses joues lorsque les larmes se mêlent à l’eau tiède, qu’il se défait de son étreinte pour la laisser entrer dans la douche. Seiren ne la rejoint pas, par pudeur ou par respect, s’assoit contre la paroi transparente sans oser regarder le corps qu’il vient pourtant de dénuder. Ses yeux dérivent, un instant, sur l’eau carmin, qui se dilue. Tout finit par s’apaiser, même eux. L’instant semble interminable, silencieux, lorsque finalement l’eau se coupe, et qu’il ose se retourner -Gaia figée comme statuesque. « Everything ok, love? » d’un geste leste, il se lève pour attraper une serviette sûrement trop grande pour elle. « Here, you can stay here for the night k ? Cuddles and all ? » mais une question lui brûle le bout des lèvres, qui soupirent avant de poser la question. « I must ask though, Gaia… Was the person you… You know… Were they still alive ? » il l’aiderait sans sourciller à cacher un corps, promesse tacite qu’il s’est fait depuis l’annonce de sa transformation -mais doit avant tout savoir si corps à cacher il y a.

Pour un court instant qui ne dure qu’une seconde ou deux, une fois l’eau coupée, Gaia prend conscience qu’elle ne voit plus Seiren, se met à paniquer à l’idée de se retrouver seule — non, plus exactement en tête-à-tête avec elle-même, obligée de se confronter au silence pour ne pas entendre sa voix, ne pas croiser son regard. Vouloir disparaître du miroir pour ne surtout, surtout pas se voir. “Seiren?” Il ne l’entend pas, elle n’a pas parlé assez fort. Elle répète, la voix qui tremble un peu plus, gorgée des larmes qui s’apprêtent à couler et de l’angoisse à exploser. “Seiren?” Cette fois il l’entend, se retourne. He was here, all along. “Everything okay, love?” La respiration qui s’était emportée se calme, lève les yeux et retrouve un état de conscience suffisant pour le regarder. “Here, you can stay here for the night k? Cuddles and all?” Elle hoche doucement la tête, chuchote un “mmh” plus doux et apaisé, attrape la serviette et en profite pour s’appuyer sur sa main, sort de la douche en se hissant comme elle peut. Vite emmitouflée dans une serviette trop grande pour elle, le sang se glace pourtant quand la question fatidique franchit les lèvres de Seiren, la transforme à nouveau en statue. “I must ask though, Gaia… Was the person you… You know… Were they still alive?” Volontairement cette fois, elle se replonge un instant dans les souvenirs, la main accrochée à celle de son meilleur ami, comme un moyen de rester dans la réalité et de ne pas se faire avaler par la panique. Elle finit par hocher la tête, prononce les mots d’un ton affirmé, même si son corps persiste à trembler. “Yes, I remember him leaving the street, he was- he was alive.” Déjà qu’elle ne se supporte pas, si en plus elle avait été responsable de sa mort, elle n’aurait probablement pas tenu le choc. Elle baisse la tête pour la première fois, regarde la serviette, “Can I borrow a shirt and a boxer or something?”

Elle le cherche, et dans leur nuits noires, Seiren se fait soleil -il ne l’est pas toujours, lumière qui de temps en temps s’éteint, mais ouvrira toujours ses bras et son coeur pour ceux qui comptent. Gaia est frêle, tremblante contre lui, et il inspire, expire -si elle a tué, il agira en conséquence, promesse tacite du lien fort entre eux, indéfectible. Mais le soulagement vient tout de même, balaye tout, lorsqu’elle lui avoue avoir vu l’homme qu’elle a mordu s’enfuir. “You sure?” parce qu’il ne veut laisser aucun doute, ne supporterait pas de voir Gaia dans les ennuis ou pire, encore, en prison -elle est trop fragile pour ça, trop pure. Ce qui lui est tombé dessus n’est pas sa faute. “Ok, we’ll see in the morning. For now, getting some rest is what you need.” alors qu’il la guide vers sa chambre, et qu’il sort de l’armoire les habits qu’elle lui a demandé. Le tee-shirt est vieux est usé, un peu trop petit pour lui, et pourtant il sait qu’il sera trop grand pour elle. Lance un sort sur son lit, pour passer d’une place à deux, et s'asseoir sur ce dernier. “You want a lullaby?” Les instruments sont tous réduits et rangés dans une malle poussiéreuse, mais les doigts n’ont jamais perdu de leur magie. C’est comme un automatisme, pour celui qui a été élevé avec la musique.

Elle hoche la tête, plusieurs fois, persuadée qu’elle peut se fier à ses souvenirs même s’ils sont flous, qu’elle a bien vu l’inconnu s’en aller. En courant et complètement paniqué, mais bien vivant. Il suffit d’une question pour raviver le doute et faire trembler l’esprit, le cœur, le corps. “You sure?” Gaia reste interdite un instant, qui semble durer une éternité. Elle tente de démêler le vrai du faux, de distinguer quelque chose, un seul indice qui lui assurera que l’inconnu est bien parti de la ruelle en vie. Mais elle a beau voir et revoir la scène, elle ne trouve rien, ne peut compter que sur ses souvenirs, aussi flous soient-ils. Pourtant, elle hoche la tête à nouveau, un peu plus déterminée - mais encore assez incertaine. “Ok, we’ll see in the morning. For now, getting some rest is what you need.” Elle le suit jusqu’à la chambre, quitte la serviette pour le t-shirt prêté par Seiren, qui lui est trop grand mais dont le contact contre sa peau est le plus doux des remèdes. Elle ne lâche jamais son meilleur ami, s’accroche à un bout de son t-shirt quand elle ne glisse pas ses doigts entre les siens, pour s’assurer qu’il est bien là, qu’elle ne rêve pas, qu’il ne la lâchera pas. Elle s’assoit sur un lit presque trop grand pour elle, dans toute sa fébrilité et sa pâleur, malgré le festin dont elle s’est abreuvée il y a peu. “You want a lullaby?” Elle hoche la tête une dernière fois, avant de se glisser au creux de ses jambes, la tête posée sur une de ses cuisses, même si elle n’a aucune idée de si elle sera capable de s’endormir.