the storm is raging against us now — (( atlas ))

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

☽. the storm is raging  

— 19.03.2021 —

Gestes de précision, malgré les mains tremblantes. La pièce est exiguë et la lumière y est agressive. Blafarde. Blanche. Aussi pâle que le corps trouvant sa poésie macabre sous la lame d’un scalpel pas encore expert. Atlas a les actions justes, millimétrées sur papier de soie, mais la confiance qui manque, et les silences nombreux. Tout le monde est parti, sauf lui. Papillon de nuit qu’on hésite jamais à faire rester, son absentéisme forcé de ces derniers mois en tâche mauvaise sur le dossier, alors c’est à lui de se dévouer pour rester de garde. Sans broncher. Comme à chaque fois.
L’homme sous sa lame est trop jeune pour avoir perdu la vie, et son visage semble presque apaisé, au repos les yeux pourtant grands ouverts de stupeur. De ses mains protégées par les gants de latex, Atlas sort un organe devenu brun, sang écarlate aux airs de rouille. « You’re just like me. » Mais personne ne pouvait, au jeu de la mort, jouer à parts égales. Il n’était pas comme lui, l’inconnu. Personne ne l’était. Incompris dans un malheur trop vaste, lorsqu’il jette dans une boîte réfrigérante l’organe, et s’attelle à parcourir le corps du malheureux pour faire un travail plus minutieux encore. Les premières heures de la nuit sont les plus sombres. « What happened to you... » Air mélancoliques lorsqu'il pose une main pour fermer ses paupières.

Et puis, le bruit d’une explosion d’entre les morts, Atlas sursaute, en lâche son scalpel. Il reconnaît le diable dans l’embrasure de la porte, à peine revu depuis le gala dont il s’est échappé en fantôme. Les après sont flous. Son regard ne l’est pas, et il transpire de haine plus encore à présent qu’il se trouve sur son territoire. Instinct de survie, Atlas se recule, mais sur son visage, la peur n’est pas. « What are you doing her- » Une autre sensation tiraille le crâne -celle des souvenirs enfouis qu’on arrive pas à sortir. Si le visage était familier, la rage l’est encore plus. Il connaît ces flots de furie. Connaît ce carmin porté aux membres, aux yeux, à la peau toute entière. Akira ne le laisse pas parler, monstre de rage qu’il n’arrive pas à replacer dans un esprit pointillés. Il a goûté à ces poings, plus petits, moins dangereux. Mais ne garde dans les souvenirs qu’un amas de cendre. Et pourtant, Akira, lui, se rappelle. Il l'envierait presque. La main d’Atlas saisit d’un instinct proie la baguette dans son étui à la cuisse. Il entend le nom de Pandore, et se rappelle d'une sorte de jalousie étrange. Alors, il est bien attaché à elle, d'une manière ou d'une autre. Ou il cherche une vengeance. Il ne comprend pas. Les reproches sont flous, le brasier, réel. « Calm down. Calm the fuck down and let’s talk, ok ? I- » mais la discussion n’est pas de mise lorsque son col finit tiraillé et ses pieds hors de terre. Au sein d’un poitrail noirci, la bête se réveille. « Oh no. » ça gratte à l’intérieur, grogne et rumine. Il ferme les yeux, s’attend à un coup -rien ne serait grave, si le Kasha reste tranquille. Respiration mesurée, pourtant si près d’une blessure. Il l’entend hurler à l’intérieur de lui, et compte les secondes qu’il lui reste jusqu’à ce que le trop-plein se déclenche. « Let go of me. I wouldn’t want to hurt you -I don’t want to fight. » Ordre qui sonne comme un conseil. La voix n'a jamais cessé de murmurer.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

☽. the storm is raging  

— 19.03.2021 —

Acérées lames à vif dans une chair trop pâle, et Atlas terrassé sous le poids d’un monde qu’il n’arrive plus à porter. Temporaire, la plaie béante au fond du coeur qui se répercute dans le cerveau flou. Il tente de garder le calme exemplaire qui le caractérise, mais à l’intérieur du torse, ça se débat, ça griffe et ça tangue, hensoku trop malmené qui a du mal à ne pas hurler. Vocifère de coups manqués ou pris et oubliés. Et la peur n’aide pas -car il a peur, les muscles qui se transforment en face de lui, la peau écarlate qui craque et la rage sauvage qu’il ne peut éviter. Se prend de plein fouet le brasier rouge et le corps en poupée de chiffon qui s’écrase contre le métal froid des tiroirs macchabées. Get up. La voix est ferme et il ne sait qui du Kasha ou de lui-même l’intime à résister -c’est de toute façon trop tard, la poigne de l’autre est trop rapide, lorsque ses pieds décollent du sol. Phalanges serrées autour de la gorge, qui ne demande qu’à expier le nuage tant de fois réfréné. Les paupières d’Atlas sont closes, lorsqu’il essaye de se contenir, mais tremble comme une feuille laissée au vent d’automne. Let go let go let go à peine le temps de laisser la bête sortir en brouillard mince au travers des lippes que le coup le porte à l’estomac. Atlas retombe par terre, muscles affaiblis par la nausée. Veines sombres qui palpitent sous le poids des questions. Cerveau pointillés qui essaye de se frayer un chemin entre la lumière et le sombre. Souviens-toi. Souviens-toi. Pour ta survie.
Mais rien ne vient.
La rage se fait miroir sans tain, écho flou d’un carmin sur la peau inconnue ; la sienne est faite de suie et déjà partie en fumée. Et pourtant. Hensoku déviant aux airs mortifère cogne sous la carapace pour se faire entendre. Les cris qui s’enroulent comme des mains d’ombre autour des yeux, pupilles qui finissent par prendre presque toute la place. « I can’t. » Profite d’un moment de répit pour s’éloigner de quelques pas. Et il le regarde droit dans les yeux, crois-moi, presque une supplique. Le dernier avertissement avant de lâcher les chiens, baguette reprise à la volée et serrée autour des mains. Sûrement inutile si le Kasha dévie, mais il n’a jamais encore tué personne. Il croit. Il ne se souvient pas.
« I can’t remember, I wish I could. I am not the ennemy, I swear. » Mais se rend bien compte que toutes les paroles ne suffisent plus face à la colère en déraison. Et l’ennemi porte des masques. Ennemi. Allié. Inconnu, flou, souvenirs, connaissances, parents, aimés, expériences, oubliées, sac de nœuds dans la cervelle emmêlée. « I really do love her, I do. » Il ne ment toujours pas. Sentiments qui, s’ils ne sont pas amoureux, respirent la tendresse et l’impression que personne au monde ne le comprend mieux qu’elle. Une bataille pour Pandore.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

☽. the storm is raging  

— 19.03.2021 —

L’ennemi en croisade sur des vagues amères, qui ne font rien d’autre que heurter de plein fouet. Celui qu’Akira devient, celui qu’Atlas est dans les yeux d’un autre. Un pantin animé d’un brasier qu’aucun des deux ne contrôle. Il voit la rage, la hargne, mais la peur aussi, dans les yeux rougis -celle pour Pandore, dont il ne connaît pas encore le lien. Sait juste qu’ils ont l’air proches, malgré la question posée à demi-voix le soir de la Saint Valentin qui n’a récolté que du silence.
Et lorsque le Kasha menace de faire grincer la porte, il ne voit en écho qu’une mine satisfaite -celle se délectant de voir apparaître le monstre. celui qu’il s’est toujours évertué à cacher, émotions contrôlées et dosées à la pipette qui n’explosaient que pour être oubliées. Statue de cire. Statue de brume. « She’ll never be safe again if you kill me. » Une énième et dernière tentative de le raisonner, l’énergie du désespoir. On ne rivalise pas avec la rage, et au fond, il le sait, même s’il essaie. « They’ll kill her too. » Mais trop tard pour les pensées et les discours, lorsque les griffes chauffées à blanc transpercent la chair, couteaux déchirants sur la peau trop fine. Un grognement sourd s’échappe de sa bouche -ce n’est pas le sien. Le sang qui coule et recouvre la blouse blanche est plus foncé que le carmin ordinaire, semblable aux pupilles au prisme sombre. Le hensoku se réveille, mais il n’a pas la rage de son autre, simplement le souffle de la mort. Atlas n’embrasse jamais sa condition, il se bat contre elle, elle le nourrit et le ronge, et lorsque la brume grise s’échappe de ses lèvres, qu’il retombe à genoux comme fait de chiffon, ce sont ses larmes uniquement qui le rendent encore humain. « Please, I am begging you. » Prière de ne pas l’achever, alors que le nuage se disperse autour d’eux. Brouillard morose aux vents contraires. Présage de mort. « I want to help. Please. » Et il le pense vraiment.

On aimerait bien prévoir les tempêtes. Ça permettrait de préparer l’imperméable, voire ça inciterait à ne pas sortir pour admirer la pluie taper du poing contre les vitres en étant protégé, sans se mouiller. Plus de violence derrière le verre, juste le bruit de la pluie. « Pandore? You listening? » La réponse vient d’elle-même, parce que Pandore n’écoute plus, les traits livides, le costume d’un fantôme à la place du visage. En proie à une tempête à laquelle elle aurait pourtant pu se préparer, parce qu’elle savait que ce moment allait arriver, le repoussait à plus tard, pensait (se persuadait) avoir le temps. Akira a vu les affiches. « The Earth to Pandore. » Le téléphone collé à l’oreille, la voix de Meruem ne la ramène pas à la réalité, la laisse sur une Lune brûlée, décimée. « … Why didn’t you tell me ?! What the fuck, Pandore !! You can’t do that, he — » Rattrapée par le bruit de la pluie mais encore protégée par le téléphone, elle persiste à croire que la tempête ne va pas durer. « […] I’m gonna kill him. That motherfucker is dead. – … » Le cœur sursaute. Ligne à rebonds d’un électrocardiogramme qui n’avait pas prévu la crise cardiaque. « I’ve got to go. » Elle a encore les yeux dans le vide, le cerveau en ébullition et les poumons qui ne savent plus s’il faut s’arrêter de respirer ou le faire plus pour calmer le tsunami — est-ce que ça peut se calmer ? « Is everything okay? » La main qui tremble, elle sait qu’elle doit partir tout de suite et finalement ses poumons répondent à la question, en oublient de respirer parce qu’ils n’ont pas le temps. « I’m sorry. » Elle n’est pas sûre d’entendre la réponse de Meruem que son corps tremblant s’élance déjà, trébuche et se relève, douleur tue par l’angoisse qui grandit.
Elle n’a jamais couru aussi vite. S’excuse mécaniquement aux silhouettes bousculées sur sa route mais ne s’arrête pas, jamais, les larmes qui montent pour tenter de contrôler le capharnaüm intérieur. C’est peut-être déjà trop tard. Les mots d’Akira cognent et résonnent contre le moindre pore, la moindre parcelle de chair, et en courant ses yeux lui projettent déjà un corps sans vie, elle ne sait pas vraiment lequel d’ailleurs, un sans-visage qui peut être l’un, l’autre ou même les deux. Elle n’a jamais couru aussi vite et c’est tellement long que l’hôpital lui paraît être à des kilomètres, qu’elle a le temps d’imaginer le pire et de se blâmer, parce qu’un mort sur la conscience ne suffisait pas, voilà qu’elle allait s’en ajouter deux. Elle est la seule fautive, c’est ce qu’elle se répète, parce qu’elle aurait dû parler ou elle aurait dû mieux mentir, être plus convaincante, trouver une solution même là où il n’y en avait pas. Mentir à un miroir, à soi-même, n’est pas si difficile, pourtant, d’autres y arrivent bien. Pourquoi pas elle ?
Elle se force à calmer la cadence une fois parvenue dans l’hôpital, tente de ne pas attirer l’attention, cherche les panneaux, une indication, quelque chose mais ça vrombit à l’intérieur et ça l’empêche de se concentrer pour lire les pancartes. Elle dévale les escaliers vides, les joues transformées en vitres et la tempête-larmes qui tape du poing contre sa peau. « ATLAS! » Elle a encore un espoir fou qu’Akira ne soit pas là, qu’il soit allé ailleurs, qu’il ne l’ait pas trouvé. Pourtant le cri est gorgé d’espoir mais surtout de peur, de besoin d’être rassurée, d’envie de le retrouver, en vie, en train de découper un cadavre comme il sait si bien le faire. À rêver de le prendre dans ses bras, l’étouffer pour asphyxier son propre cœur, être sûre qu’il va bien et que ce n’était qu’un mauvais rêve.
Les tempêtes n’en sont jamais, pourtant, des rêves.
Mais cette fois les poumons n’ont aucun doute et arrêtent subitement d’aspirer de l’air, parce que Pandore se retrouve contre une vitre qui ne la protège pas de la pluie, mais semble plutôt vouloir la brûler au toucher. Derrière les deux carrés de verre, elle distingue le carmin de deux démons en train de s’entretuer, l’un lacéré et l’autre prêt à le refaire. Elle hurle à s’en déchirer la voix, le cœur, les poumons. « ATLAS!!! » Tente d’ouvrir la porte, fermée à double-tour, les doigts tremblants mais pressés qui cherchent sa baguette sans la trouver, finissent par le faire, mais l’Alohomora qui reste sourd et la porte fermée. Le poing qui s’abat sur la porte en même temps que son cri, prête à se briser la main pour se faire entendre. « OPEN THE DOOR!! » Elle y met toute l’énergie qu’elle a perdu en courant, toute sa peur, sa culpabilité, son amour pour l’un et pour l’autre. « I SAID OPEN THE FUCKING DOOR!! » Mais le poing finit par glisser et Pandore se laisse consumer par son angoisse et sa tristesse, le front collé à la vitre, à supplier un Akira dont elle ne voit même pas les traits, le regard qui n’ose pas se poser sur le corps blessé d’Atlas, à genoux, vulnérable. Fixe le dos de son meilleur ami d’un air désespéré. « Please, leave him alone, it’s not his fault… » Elle ne sait pas quoi dire pour qu’il arrête, qu’il se calme, tout sauf en contrôle. Il ne lui fait pas face mais elle sait à quoi ressemblent ses traits, déchirés par une colère sans limites qui a trouvé un bouc-émissaire parfait à sa recherche d’explication. Le poing s’ouvre et la main se presse contre le verre. « Please, mi amor, let me in. » Les yeux rougis par les larmes qui continuent de dévaler les joues, elle se souvient des mensonges, des omissions.
Se dit qu’à sa place, elle condamnerait la porte.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

☽. the storm is raging  

— 19.03.2021 —

Se fondre en suppliques, sans aucun effet, lorsque la rage s’abat. Atlas en terre de pluie frappé par l’orage, la sensation de la chaleur poisseuse s’insinue contre la poitrine. Et Akira frappe encore. La mâchoire craque. Encore. La tempe résonne. Poupée de chiffon n’a plus la force de s’échapper -à quoi bon, lorsque la mort frappe à la porte ? Tu te seras bien battu, toutes ces années. Il aurait simplement préféré ne pas y rester dans cette pièce-là, l’odeur de mort déjà imprégnée sur la blouse blanche, bientôt aussi froid que les corps dans les tiroirs. How ironic. Son don n’offre aucun répit, une toux ridicule, et pour une fois, il aurait pu chérir la fumée mortifère -traîtresse, inutile. Malédiction suffisante pour l’éloigner de tout, mais trop faible pour le protéger.
Lorsqu’un énième coup résonne, le vermeil voile les yeux. Plus assez de force pour même murmurer I can’t.
Mais dans le souffle d’un dernier espoir, il entend son prénom. Il reconnaît la voix.
Et il maudit le destin. « Pandore ? » Il n’imagine pas, l’esprit pourtant prompt aux délires dans une énergie salvatrice, il sait. Qu’elle a encore porté le fardeau de son sauvetage sur ses épaules à elle. Qu’il est un poids mort. Confirmation lorsque la poigne du monstre-colère le saisit encore et que sa gorge s’étrangle jusqu’à se retrouver contre la porte. Torchon usé se dépeint du carrelage froid, devient poisse du sang et de la sueur. Foutu.
Mais les coups à la porte le réveillent d’une torpeur qu’il pensait prise pour acquise. Poings de tonnerre qui appartiennent à son orage, et il ne se laisserait pas partir. Alors qu’Akira détourne son attention une seconde à peine, il réussit à se pencher pour saisir sa baguette, et provoquer un miracle. A peine une seconde pour sauver sa peau, lorsque dans un souffle du condamné, il pointe sa baguette sur Akira. Déflagration qui envoie valser la bête au bout de la pièce, un second sort qui enroule des cordes de magie autour de ses membres. Les liens ne tiendront pas longtemps, à peine une seconde à Atlas pour déverrouiller la porte et s’engouffrer dans l’interstice. Retrouver Pandore dans le couloir où les néons grésillent, de l’autre côté de l’abîme. Lorsqu’il se laisse retomber par terre, il n’a presque plus de force. « Always the right timing… » Il tente de sourire, mais le récolte qu'une grimace de douleur, et alors qu'il expie l'air les yeux clos, c'est comme si son coeur était douloureux à chacun de ses battements.

Son cœur bat si fort qu’on le verrait presque déchirer la peau pour s’en extirper, et chaque battement, chaque coup de tambour lui assène une certitude à la figure en coup de poing invisible, en coup de poignard fatal : tout ce qui se passe dans cette morgue est sa faute. C’est tellement martelé qu’elle se persuade d’y voir là l’évidence, que cette conviction prend le pas sur tout le reste, y compris sur sa raison. La main toujours pressée contre la vitre, elle regarde impuissante le carmin s’épancher sur le carrelage, complètement perdue, en pleine mer-pensées sans radeau ni bouée de sauvetage.
Elle ne sait plus quoi dire quoi faire quoi penser pour que ça aille mieux pour effacer le passé pour tout recommencer pour ne pas plus l’énerver pour qu’il lâche Atlas pour le soigner et ne serait-ce que pour ouvrir la porte et si quelqu’un les entend et si les hommes en noir les entendent s’il leur arrivait quelque chose à l’un comme à l’autre elle ne se le pardonnerait jamais et si elle n’avait pas menti dès le départ peut-être que ça ne serait pas arrivé mais si elle n’avait pas menti il aurait tout brûlé il serait peut-être mort mort comme Atlas si elle n’arrive pas à ouvrir la porte et à calmer Akira sans pouvoir l’emmener dans son imagination elle est trop loin trop distante ça ne marcherait pas ce serait le bordel il verrait tout il ne peut pas voir ça le mettrait en danger mais il l’est déjà et il l’a déjà été il le sera toujours alors pourquoi est-ce qu’elle ne lui dit pas simplement la vérité non elle a promis à Atlas de ne rien dire elle ne peut pas,
elle se doit de mentir.
La conclusion est douloureuse, renvoie aux certitudes de culpabilité qui tambourinent contre ses tempes, à se rejeter la faute d’une situation impossible, déchirée entre ses loyautés, jamais satisfaite, à jeter des milliers de si en l’air comme si elle avait pu faire autrement.
Et pendant ce temps, les larmes dévalent, la main se mue parfois en poing pour taper sur le verre, même si elle n’y croit plus vraiment, espère y voir la sienne en miroir mais se dit qu’il n’ouvrira jamais la porte — rien, en effet, peut-être parce qu’Akira n’est plus là (n’est plus lui).
Hoquet de surprise, yeux écarquillés, la main quitte la vitre et la porte à sa bouche quand le corps d’Atlas est traîné jusqu’à la porte par le fantôme de son meilleur ami. Des années qu’elle ne l’a pas vu ainsi déformé par la rage, qu’elle parvenait à le calmer avant qu’il ne se transforme, mais la main tombe le long du corps quand Pandore se met à le regarder, vraiment, à plonger son regard rougi par les larmes dans le sien, rougi par la colère, tâche de ne pas penser au corps d’Atlas en lambeaux pressé contre la porte. « Why. You lied. But they hurt you, didn't they? I don’t want that. Why do you keep up with this shit. If you’re with him, you’re against me. » Chaque mot lui brise le cœur mais Pandore ne détourne pas le regard, serre un poing qu’il ne peut pas voir, cherche des solutions à un problème insoluble. Le bouclier érigé en catastrophe pour feindre le sang-froid ne tient pas, pourtant, parce que ses larmes persistent et signent et Pandore se penche pour presser son front contre la vitre, dans une tentative de se rapprocher de lui, de le convaincre (de le retrouver). Mais Akira se dérobe à sa vue, envoyé valser à l’autre bout de la pièce, emprisonné, et par réflexe elle ne peut que crier, cette fois pour lui. « AKIRA!! »
Porte ouverte, finalement, les yeux tombent et Atlas avec, récupéré entre ses bras de justesse, un poids qui lâche le cœur et les larmes qui reprennent de plus belle, plus légères. « Always the right timing… » Sans réfléchir, elle le serre dans ses bras, embrasse la moindre parcelle de peau, la tête qui s’accroche contre la sienne, les lèvres qui murmurent des excuses en pagaille, des « I’m so sorry » à ne plus savoir quoi en faire. Ça lui paraît durer des heures, mais au bout de quelques secondes son regard se relève pour chercher l’autre morceau de son cœur, le corps qui continue à bercer Atlas machinalement, qui voudrait se dédoubler ou se couper en deux pour être auprès d’eux, ne pas avoir à en lâcher un pour s’occuper de l’autre. Elle prend le visage abîmé entre ses mains, esquisse un début de sourire rassurant. « I’ll fix everything, kay? I love you. » Elle le dit pour la première fois mais naturellement, instinctivement, le pouce qui caresse sa tempe. Mais quand elle l’assoit délicatement contre le mur, son sourire a disparu, remplacé par la terreur, l’angoisse d’une nécessaire trahison pour tout arranger, l’inquiétude de sa colère. Elle n’a jamais vu Atlas énervé, mais elle a surtout peur de sa déception. « I’ll be right back, stay alive. » Dernier baiser sur son front, elle se relève et, avec une grande inspiration, fait un pas dans la pièce damnée.
Elle tremble à chaque pas en direction d’Akira, dont les râles et les cris n’ont depuis longtemps plus rien d’humain. Oni sorti de sa cage, il lui a rarement fait peur sous cette forme, mais elle lui a aussi rarement menti. C’est comme si pour la première fois elle ne le connaissait plus, se retrouvait impuissante, une inconnue — c’est sûrement l’effet que ça lui a fait en la voyant sur une affiche, et elle savait que ce serait difficile, insoutenable. Mais elle pensait qu’il comprendrait ce que ses lèvres n’avaient pas pu lui dire, qu’il ne prendrait pas le premier bouc-émissaire à sa disposition pour passer sa colère. Elle s’approche de lui jusqu’à se retrouver à un mètre à peine, tombe à genoux. Pour quelques instants encore, emprisonné par les liens, il se débat comme un animal en cage qu’elle ne peut se résoudre à libérer, persuadée que libre, il se jetterait seulement sur Atlas, alors elle cherche une autre solution, si seulement elle existe. Elle ne le regarde pas, les prunelles sur le sol et le cœur qui continue à tambouriner. Elle trouve la pièce est étrangement silencieuse, pourtant animée de ses bruits colériques, mais Pandore a l’impression de briser le silence, ou bien au moins quelque chose, quand elle relève les yeux pour croiser les siens et qu’elle prononce les mots fatidiques, lentement. « I killed someone. »
Après ça, il n’y a plus rien, à dire, à penser, à faire. Il y a bien des explications à donner mais Pandore reste stoïque quelques secondes, incapable de les donner. Elle ne regarde pas si Akira est toujours maintenu par les liens. Seules ses larmes se meuvent encore. Et puis, d’un coup, elle se met à parler, d’un ton tremblant et d’un teint livide, les yeux qui cherchent les siens et les quittent ensuite, n’osent pas les confronter trop longtemps. « They did experiments on me. In the labs. That’s where I was. One day, a doctor went into my head and when I got out, he was dead. They threatened to put me in jail if I didn’t obey. » Silence, elle le regarde à nouveau, les yeux rougis et les larmes déferlantes. « I’m so sorry I didn’t tell you, but they said they’d kill me if I told anyone… you can’t say or do anything, please, I’m begging you… I wouldn’t forgive myself if anything happened to you. » Elle ne sait plus quoi ajouter d’autre, alors elle se laisse éclater en sanglots, la tête entre les mains, l’espoir que s’il est libéré, la vérité lui suffira pour ne pas partir réduire Atlas en charpie.