aux innocents les mains pleines (os ouvert)

Aux innocents les mains pleines — mais ce soir, quand Pandore ouvre les yeux, elle n’a jamais eu les mains aussi vides. Elle navigue, seule, dans le silence d’un palais désert, pieds nus sur le sol glacé d’un esprit qui lui est trop familier. Des mois que sa tête lui semble étrangère, pourtant, qu’elle ne prend plus aucun plaisir à franchir le miroir, que l’autre côté s’est terni, assombri. Plus d’intérêt, tout est noir et blanc, les pendus ont remplacé les funambules, qu’on disait, c’est comme si les montagnes avaient crié au secours mais qu’il n’y avait personne pour venir les chercher (pour venir les sauver). Condamnées à l’érosion funeste de pensées gangrénées par la culpabilité, c’est comme si Pandore avait laissé son hensoku s’infecter sans prévoir aucun antidote, parce qu’elle le voulait, parce qu’elle pensait qu’elle le méritait. Aucune liberté à l’horizon, pas d’horizon tout court, d’ailleurs. Le palais est vide, les portes sont fermées, et c’est tout. On ne distingue rien au-delà de quelques mètres, sauf que d’habitude Pandore n’a pas à froncer les sourcils pour éclairer le ciel, l’esprit qui s’étend pour libérer la vue. Cette fois, ça ne fonctionne pas. Bloquée dans le noir, pieds nus sur le sol glacé. « Is someone there? » Ce n’est pas sa voix, non plus, mais il suffit de trois mots pour que son cœur devienne aussi froid que le sol. No. C’est à la fois une réponse jetée dans le vide en espérant que quelqu’un attrape la bouteille (qu’il l’attrape, lui), et un sentiment, parce que Pandore refuse, réfute, se retourne. Elle ne veut pas entendre cette voix, pas maintenant, pas ici. « Please, can you hear me? » Non, ça recommence, toujours le même timbre masculin qui lui vide les mains, lui rappelle ce qu’elle a fait. Finalement, elle préfèrerait le silence. « Miss Águilar, can you help me? » Les mains se pressent sur les tempes et les yeux se ferment, de désespoir, pour tout arrêter. Stopper l’illusion et briser le miroir, la glace, détruire le palais. Mieux vaut tout faire sauter plutôt que de l’entendre encore, parce qu’elle sait que si ça continue elle va le faire apparaître, lui, lui et ses enfants, lui et sa femme, lui et l’entièreté de sa putain d’humanité.
Ça ne fonctionne pas.
Pourquoi ça ne fonctionne pas ?
No. Cette fois c’est seulement un sentiment, jeté en l’air, le déni de la réalité dans laquelle elle a complètement perdu le contrôle, dans laquelle sa propre anomalie a décidé de se faire la malle, de faire la révolution. Elle fait quelques pas, tente d’ouvrir une porte, mais ça non plus, ça ne veut pas, la poignée est aussi glacée que le reste, ne bouge pas. « Pandore. — NO! » Elle a crié. A arrêté la discussion d’un ton froid, sec, la tête relevée et les yeux qui regardent le plafond, parce qu’elle ne sait pas d’où il parle. Elle ne dit rien d’autre mais elle pense très fort, leave me the fuck alone (elle supplie en silence).
Et pour un moment il semble l’écouter, la laisse dans le silence et l’obscurité, si bien que Pandore finit par s’agenouiller, ramener ses genoux contre elle, la tête repliée. Cherche toute la concentration du monde pour repasser de l’autre côté du miroir et quitter cet enfer, avant qu’il n’empire.
Ça ne fonctionne pas.
Pourquoi ça ne fonctionne pas ?
Putain de hensoku. Bon qu’à tuer des gens.
Elle ne sait pas combien de temps s’est écoulé, mais une main se pose sur son épaule et elle se dit que ça y est, c’est terminé. Évidemment, ça ne l’est pas. La main, c’est la sienne, et quand elle relève la tête, c’est pour mieux croiser ses prunelles. Elle recule, paniquée, rampe sur le sol pour mettre de la distance, s’éloigner de lui. « I didn’t think I’d be that scary. After all, I didn’t die in a bloodshed, did I? » C’est vrai, il n’y a aucune trace visible — mais Pandore sait qu’il est mort, « And how do you know that, Pandore? » Expression d’horreur qui contamine ses traits, elle recule encore, même si ça ne sert pas à grand-chose. « I’m waiting an answer. Come on, it’s easy. » Elle n’ose même pas le regarder, évite son visage, se contente de ses pieds, le cœur battant. Évidemment qu’elle sait, parce que, (ça bloque, elle croit encore pouvoir retrouver le contrôle), parce que, (ça lui donne la migraine)
Elle relève la tête, le fixe. Ses joues sont baignées de larmes et ses poings serrés.
« Because I killed you. »
Elle abdique. Lui, sourit. « Ah, there it is. » Et soudain, c’est à nouveau le silence, parce qu’il l’a laissée seule avec sa réalisation et sa culpabilité. Pas besoin de plus, juste elle et le sol glacé d’un palais qui n’a plus rien de mental, vidé de tout, vidé d’inspiration, d’envie. Un palais mental en noir et blanc, au sol aussi glacé que ce qu’elle ressent. Pandore est adossée à une porte qui ne s’ouvrira pas, le regard dans le néant, à supplier mentalement pour retrouver le contrôle.
Est-ce que c’est bon, cette fois ? Est-ce que ça fonctionne ?
Sauf qu’elle n’est pas dans sa tête. C’est ça, le problème, depuis le départ, mais elle ne le sait pas et elle ne le saura pas, parce que personne ne le lui a dit et personne ne le lui dira.
« Is someone there? » Et ça recommence, comme un vinyle cassé (c’est Pandore qui l’a fait dérailler). Il n’y a qu’elle, bien sûr. Il n’y a qu’une seule coupable, qu’une seule responsable. « You could at least answer me when I talk to you, Pandore. » Elle se presse les tempes, peut-être qu’avec ça elle ne l’entendra pas.
You could at least answer me when I talk to you, Pandore.
You could at least answer me when I talk to you, Pandore.
You could at least answer me when I talk to you, Pandore.
You could at least answer me when I talk to you, Pandore.
Ça vient d’en haut, d’en bas, de droite et de gauche, comme s’il s’était démultiplié pour mieux la tourmenter, lui rappeler qu’à cause d’elle,
« LEAVE ME ALONE!! I KNOW WHAT I’VE DONE!! »  
What did you do?
What did you do?
What did you do?
Tell me.
« I KILLED YOU!! »
Il est à nouveau en face, mais cette fois, il fait quelques pas vers elle. Se baisse et lui attrape le menton. Il a la main aussi froide que le sol, la poignée, le palais. Pour un moment, elle voudrait avoir le cœur aussi glacé et peut-être qu’après, elle se pardonnerait. « Is it true? Do you want it? Do you want to make it all stop? »
Elle abdique, tout. Son hensoku, sa vie, tout le reste, sans savoir qu’elle n’a rien à abandonner parce qu’elle est en train de rêver. Personne ne le lui a dit, et personne ne le lui dira. « Yes. »
Et peut-être qu’après, elle y arriverait, à se pardonner.
En tous cas, c’est ce qu’elle se dit, quand un détraqueur se glisse à ses côtés pour lui donner un dernier baiser.

vous êtes libres d'intervenir si vous le souhaitez, quelques précisions :
- le hensoku de Pandore lui donne la possibilité de se rendre dans son palais mental, où elle peut créer absolument tout ce qui lui passe par la tête et est donc complètement en contrôle. Ici, Pandore pense donc être dans son hensoku et ne sait absolument pas qu'elle est en train de rêver, elle pense qu'elle perd la tête et par culpabilité, elle a décidé d'abandonner le contrôle et de se laisser mourir, sans forcément savoir si c'est ne serait-ce que possible (elle pense que oui, puisqu'elle pense avoir tué quelqu'un avec son hensoku), donc clairement il va falloir lui montrer qu'elle est en train de rêver et que personne ne la hante snif
- tout est en noir et blanc
- vous êtes au départ bloqué.e derrière la porte de glace qui est fermée, il va falloir l'ouvrir par x moyen, parce que c'est une manière d'entrer dans l'esprit/le rêve de Pandore

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La fin est venue -brutale, en dépit de tout autre choix. Un corps étendu sur une table de fer, un amant au corps distordu par la douleur, sa propre volonté effacée et un père au sourire glaçant. Atlas, malgré la colère, malgré la rancoeur, malgré le désespoir soudain et tranchant comme une lame d’avoir imaginé Pandore souffrir, n’aurait pas pu l’achever. Il pensait, quelques jours avant encore, pouvoir la venger, ou se venger, trouver Charon, abattre sur lui des poings gorgés de haine, et frapper, frapper, frapper. Laisser la rage, l’amour battant qui déborde comme un brasier, la haine même, se consumer. Incapable pourtant d’être assez courageux, ou assez lâche, pour lui donner la mort, même dans ses rêves (il choisira toujours le sacrifice, toujours, surtout si c’est lui en face, car les affres du coeur sont plus forts que sa volonté, même dans la tourmente). Et la baguette pointée sur la jugulaire, il s’est vu partir, dans un acte précipité, un clin d’oeil du cerveau maître de lui-même un instant à peine.
S’est réveillé, pas tout à fait éveillé, dans un monde ailleurs que le sien.
Dans un monde qu’il pensait avoir déjà vu, cette fois nageant en plein songe. « I KILLED YOU!! »
Résonance au travers d’un verre glacé assez épais pour étouffer le son, quand il reconnaît la voix de Pandore. « PANDORE ? » C’est un rêve c’est un rêve il ne peut rien lui arriver c’est un rêve Mais rien ne le raisonne, alors que la glace résiste à ses tentatives pour la briser. Il entend des murmures, des voix, une plus grave. Des frissons parcourent son échine, et la colère monte -pas ça. Pas elle, pas après Hanini. Pas après Charon. Pas elle ; tout mais pas elle. « CONFRINGO ! » sous sa baguette, qui était restée dans sa main tremblante, la glace se fissure sans exploser, il suffit d’un coup de pied pour dégager un passage. Devant lui, une vision d’horreur.
Il ne connaît pas cet homme, mais son cerveau semble avoir en automatisme un mauvais pressentiment. Un haut-le-coeur, puis tout est plus glacé encore qu’à l’extérieur du palais des neiges. Une silhouette vêtue d’un capuchon noir saisit le visage de Pandore dans sa main squelettique, et c’est lui qui s’interpose, sans se poser la moindre question. « SPERO PATRONUM ! » Le sort est parvenu à se former une fois seulement auparavant, pourtant le filament bleuté sort de sa baguette avec une rage presque véhémente, lorsque le lynx gonfle ses poils et semble rugir face à la silhouette. Et le premier souvenir qui lui est venu en lançant le sort, était celui de Pandore et lui, dans son monde à elle, mains liées à se jeter dans le vide, avant de marcher vers l’horizon. Le souvenir d’un espoir partagé.
Le détraqueur fuit, s’éloigne et se terre dans un coin de la pièce. L’homme inconnu ne dit rien, semble mué en fantôme. Atlas se précipite, tandis que son Lynx marche en cercle autour d’eux, aura réconfortante et sentinelle infaillible. Ses bras comme refuge, c’est à lui de la protéger, pour une fois. « Pandore, it’s ok, you’re ok. It’s just a dream, it’s a nightmare. It’s just a nightmare, I’m here. » Se tourne vers l'homme, reconnaît la blouse blanche caractéristique, se rappelle des mots douloureux, de la culpabilité, la main qui caresse doucement les boucles brunes. « Is this... Him ? »

La mort n’est décidément pas silencieuse. Pas remplie non plus d’images venues du passé, de ce film dont on a tant parlé, celui qui s’impose à l’esprit juste avant le dernier soulagement, une manière de dire adieu sans le faire, de pleurer ceux qui survivront, de regretter sa fin ou de l’accepter, au dernier moment. Là il n’y a rien, mais le rien déjà trop-plein, s’impose et explose. Pandore n’a pas besoin d’un film pour accepter sa mort, pourtant, se contente d’un soupir ténu d’avant-soulagement, blottie contre la glace, persuadée que le bakedôrô a pris les armes pour une révolution à laquelle on aurait pu s’attendre dès les premiers signes. Personne n’a dit que les anomalies devaient rester fidèles, que le sorcier était autre chose qu’un hôte, qu’au fond tout n’était pas qu’une bataille sans fin pour le contrôle.
Ou peut-être justement est-ce le bakedôrô qui l’aimait depuis le départ et ne lui a jamais voulu le moindre mal, l’a prise en pitié, glisse en tous cas des clés dans les mains de ses deux piliers, aide les portes à se briser. Remplace Pandore pour appeler à l’aide, tenter de ramener de la couleur au milieu du noir et blanc. Cauchemar cambriolé, finalement l’anomalie n’en est peut-être pas une, sauveuse discrète de son double sorcier. Elle n’entend pourtant la porte ni s’ouvrir ni se briser, les yeux perdus dans le vide, persuadée que c’est trop tard, qu’elle a abdiqué et qu’avec sa fin viendra le soulagement. « PANDORE ! » Il brise la dernière barrière et Pandore ouvre la bouche, choquée, les sourcils qui se froncent aussitôt. C’est une nouvelle torture, c’est sûr, aux traits de son double, peut-être apparaît-il pour être là au dernier moment, ne pas la laisser partir sans aucun film. « I got you Pandore, I got you. » Pourtant ça n’en a pas l’air, l’étreinte lui semble bien réelle.
Il n’y a toujours qu’un seul fantôme dans la pièce, comme suspendu dans l’air, dans l’attente du reste, de la fin, la sienne ou celle d’un autre, mais elle en voit deux. Le détraqueur s’est contenté d’Akira, incapable de parvenir jusqu’à sa vraie cible, s’apprête à cueillir d’un baiser la première âme qu’il réussira à toucher. Elle n’a qu’à moitié conscience de ce qui est en train de se passer, toujours perdue dans ses démons et son inconscient, convaincue qu’il n’est pas réel, que tout n’est qu’une illusion créée par son esprit malade. Finalement, peut-être que ses parents avaient raison. « I got you. » Elle a envie d’y croire, se blottit plus encore dans ses bras (pour un dernier adieu), les cœurs rapprochés (pour la dernière fois).
« SPERO PATRONUM ! » Aux deux fantômes s’y ajoute un troisième qu’elle désigne mentalement comme la dernière chance, l’ultime tentative. Elle commence à comprendre que ce n’est peut-être pas de son fait, qu’Akira et Atlas sont bien là, à ses côtés. Que leur groupe bancal tient on ne sait comment, mais empêchera ce qu’elle seule désire pourtant du fond du cœur. Réussira à la convaincre mais surtout à la ramener dans la réalité d’un cauchemar banal, loin de son palais mental. Pas derrière le miroir, il est caché. « Pandore, it’s ok, you’re ok. It’s just a dream, it’s a nightmare. It’s just a nightmare, I’m here. » Chacun leur tour. « We’re in your head, Pandore. » Pas forcément convaincus des mêmes choses, pas certains de la même manière, mais tous les deux persuadés que ce n’est pas la réalité. « You can let go of… – Is this... Him ? » Elle écoute et relève la tête pour regarder la silhouette figée que leur présence supplémentaire a su arrêter, au moins pour un moment. Il ne parle plus, comme s’il attendait leur départ pour la tourmenter à nouveau, sait se faire petit, peut-être parce qu’il connaît plus Akira et Atlas qu’il ne le dit, encore gorgé de ses souvenirs d’avant, de médecin, de chercheur à la con. Elle n’a pas besoin de le dire, de l’exprimer. Acquiesce seulement parce qu’ils savent, au fond.
« We need to get rid of him. It’s your head, Pandore. You decide. He has no right, here. Lock him for good. » Accrochée à Atlas, bloquée sur Akira s’approchant du démon, elle hoche la tête sans vraiment réfléchir. « Find him a room. Put him at ease, if this makes you feel good, I don’t know. But don’t let him bother you again. » Obéit comme s’il parlait à une enfant. Se laisse aider à défaut d’avoir su mourir correctement. Tente de se convaincre elle-même qu’elle a retrouvé le contrôle et que cette fois, quand elle essaiera de le faire disparaître, ça marchera. Peu importe si c’est sa tête ou un cauchemar, dans tous les cas, c’est elle qui contrôle. Ça ne fonctionne pas, au début, malgré ses mains serrées sur la peau d’Atlas, concentrée. Le fantôme ne bouge toujours pas mais semble bien décidé à rester, pour le meilleur et pour le pire.
C’est Akira qui le fait partir, en réalité. L’oni prend le contrôle du cauchemar à la place de Pandore, se révèle à demi, la main devenue griffe posée sur l’épaule d’un mort qui n’est pas vraiment là, qui ne l’a jamais été. Ordonne avec froideur, sans laisser le moindre compromis. « If you ever come back to haunt her – we’ll be there. » Le médecin abdique et disparaît. « You’ve survived Pandore. Don’t let that chance go to waste. » Et derrière, le visage en larmes, Pandore ressent le soulagement tant espéré, sans avoir eu besoin d’en finir. S’appuie sur leurs épaules pour faire ce dont elle était jusqu’alors incapable. Protégée par ses deux piliers, trio si étrange mais forteresse prête à affronter les périls qui leur sont destinés.