(18+) walls could talk ((pandore/atlas))

Baiser auréolé de candeur aux airs de pardon -la faute est sienne, il le sait, et l’affection de Charon démarre un brasier dans la poitrine glacée par l’angoisse, souffle qu’il expie dans un sourire bref. Il faut revenir à la réalité, s’ancrer dans un présent tordu par des chaînes invisibles, et il le lâche, redevient l’étranger froid et distant (ça lui brise un peu le coeur, de faire semblant). Pandore revient, et elle se fait soleil, toujours dans une aura de chaleur qui depuis le début a bercé leurs premiers pas -il n’a pas de rancoeur, juste un peu de frustration de ne pas laisser la vérité éclater, mais tout est trop risqué, et la peur paralyse ses entrailles. Elle ne saura rien, Pandore, rien des sentiments qui bouffent son coeur comme un bouquet de ronces, mais qui pourtant fleurissent et se peignent dans les plus beaux des tableaux, quand Charon le touche ou qu’il devine son sourire à travers un écran, quand il voit ses yeux clos le matin ou qu’il se rappelle des mots qui rassurent, des sanglots bercés, de la jalousie pour un fantôme. Il ne saura rien, Charon, des promesses réelles entre Pandore et lui dans un océan de mensonges, des mains tendues qui s’accrochent à l’envers dans la panique, de leurs peurs et de leurs menaces, de la lame brillant d’un sourire cruel au dessus de leurs gorges dénudées, du besoin vital qu’il a de l’avoir, elle, à ses côtés. Atlas ne connaît pas l’amour, pas vraiment. Sursauts du coeur en terreurs de plus en plus épaisses, qu’il voit briller à travers le brouillard. Atlas ne connaît que les mensonges, les obligations, et l’envie de bien faire. Les ailes brûlées avant même d’avoir pu servir à voler.
Il le touche, peau contre peau et lui se raidit sans laisser rien transparaître. Paumes brûlantes contre une clavicule exposée, et dans le silence de leurs touchers, c’est pourtant les mots qui s’expriment. C’est comme si Charon avait lié son petit doigt au sien, promesse d’enfant,
mais c’est ceux de Pandore qu’il attrape.
« I do. Do you ? It suits you very well, but it may look… Bolder, than the usual. »
Puis il se rappelle de sa tenue du bal, du rouge à lèvres -le même échoué contre la bouche de Charon, quelques heures plus tard. Dans son cou, sur sa peau, jusqu’à l’instant fatidique et le soupir d’un fantôme.
Il baisse la tête.
Change de sujet, et se soulage presque de la question de Charon, aux airs épineux. Il lui semble aisé de mentir, pourtant, et d’un commun accord au regard entendu avec Pandore, c’est lui qui parle.
« Hospital. It’s been almost a year, i reckon. Isn’t it, love ? You’re better at keeping count than I. »
Il se garde bien de dire qu’il était en convalescence, que la rencontre avec Pandore a débuté après l’incident de la brume (celle qui a tout changé, les bras de Charon en salvateur et la rencontre-colère qui a suivi, a allumé tous les feux pour mieux brûler plus tard.) Il n’a pas besoin de savoir.

Trio étrange, chacun ne comprend qu’à moitié ce qui les lie, se perd dans des traductions approximatives de mots et de gestes, se fait interprète d’une langue inconnue et secrète qui n’a sûrement pas de vraie signification. Alors on tente à défaut, en vain, de comprendre l’incompréhensible, de chercher les angoisses d’un regard ou l’amour de doigts enlacés. Pandore est celle qui en saisit le moins, idiote du village sans le savoir, sans s’en douter, ne tente d’expliquer que la peur dans les yeux de son obligé. Regarde Charon avec la tendresse et la gentillesse d’une inconnue, on ne sait pas si ça découle de ce qui s’est passé depuis leur rencontre ou si c’est son propre masque, l’équivalent du ton froid et poli d’Atlas. « I do. Do you? It suits you very well, but it may look… Bolder, than the usual. » Elle hoche la tête, ne dit rien mais tous les deux savent qu’une tenue audacieuse s’avère nécessaire pour leur donner du courage, pour affronter les regards quand ce soir, tous les deux sont fébriles et n’avaient aucune envie de venir. « I'm sorry if I'm stepping out of place, but where did the two of you meet ? » Regards entendus, il explique et elle le regarde avec un air amoureux qu’on croit sincère. Qui l’est, d’une certaine manière. Ils s’aiment, d’une certaine manière. « Hospital. It’s been almost a year, i reckon. Isn’t it, love? You’re better at keeping count than I. — Eight months yeah. Time flies. » Baiser déposé sur des doigts gantés, les lèvres qui effleurent à peine la peau, même à travers le tissu, respecte les limites d’un cœur qui par habitude exècre la proximité (semble n’apprécier se faire toucher que par des serpents tout juste capables de dire le mauvais prénom). « May I? — Of course. » Elle se laisse faire, visiblement à l’aise et habituée, retouchée à la perfection. Il leur en faut, pour ce genre de soirées interminables où les regards les couronnent à l’infini.
Le téléphone brise pourtant le silence qui s’était installé. « I’m sorry, I need to get this. » Pandore s’excuse, se libère doucement des mains de Charon et répond, le regard qui se froisse à mesure que la voix de l’autre côté semble s’accélérer. Elle finit par raccrocher, le téléphone toujours à la main, visiblement inquiétée. « I’m so sorry, it’s an emergency, were you done with me? I’ll be back before the party starts. » Se rapproche des deux silhouettes, se penche pour déposer un baiser au coin des lèvres d’Atlas. « I’m sorry cariño, it’s Noé. I’ll be back in no time, promise. » Se tourne vers Charon, ajoute, « Take good care of him for me, please. And thank you for the dress, it’s perfect. » Pandore disparaît, s’enlève de l’échiquier, change les règles d’un jeu dont elle ne saisissait même pas l’existence.

Tenir debout même lorsque l’armure se fissure -Atlas a la chance d’avoir appris les faussetés d’une vie auréolée d’apparences, pour se redonner une contenance. L’affection n’est pas jouée, le couple, oui. Les gestes de Pandore sont doux, et il commence à s’y habituer -même si le contact fait toujours un peu se tendre les muscles, instinct de proie qui ne s’éteint jamais vraiment -même dans les étreintes sauvages du couturier. Il faut de l’amour pour palier à la peur d’un toucher maudit, mais parfois, même l’amour ne suffit pas. « Yeah it... » Il finit sa phrase en retard, ne la finit d’ailleurs pas, lorsque le téléphone les coupe. Et alors qu’elle les quitte, qu’elle dépose un baiser-papillon sur sa peau pâle, il n’a même pas le temps de la retenir. « Ok, see you soon ! » La fumée s’évapore, Pandore avec. Ne reste que le silence, deux âmes qui tentent de se faire confiance, et le poids trop lourd des secrets.
Le regard de Charon l’analyse, le transperce, et il baisse la tête, attendu dans des soupirs qui résonnent trop fort maintenant qu’ils sont deux. Il y a toujours le risque des autres autour, qui pourraient arriver, ou revenir, de la fête imminente en un honneur factice qui débutera sous peu -les risques pris, et ceux qu’on refuse de prendre. Alors il hoche la tête, reste formel. Atlas en bonne marionnette qui obéit à ce qu’on lui dit de faire. « Do as you please, I just need to be there in... » Regarde sa montre, qui danse déjà devant ses yeux, perturbés par les lignes trop proches de la peau d’un autre. « Half an hour, I guess. » N’abandonne jamais son ton formel, trahi d’un sérieux qui flanche lorsqu’il avale sa salive, courbe déviée par le trajet du pouce. Sourire qui perce en étoile lointaine alors que le souffle dans son cou le réveille d’une torpeur plus profonde que ce qu’il croyait. Et le murmure est bas, car il n’est partagé qu’à deux. « When I wanted you to take me as a muse, I wasn’t imagining this. » Lui en tableau vivant sous les mains chéries de baisers. Le mannequin dans un appartement trop petit drapé d’un velours embrassé par la peau (regretté) orné d’une ceinture (abandonnée), et l’espoir d’être un trésor, au moins un peu, dans les yeux d’un autre. Un instant, il aurait aimé que Charon lui dise qu’il était beau. L’instant d’après, il se ressaisit -mais les muscles restent stoïques, sous le poids de sa propre culpabilité. « You should. I deserve it. » Et les explications se mélangent déjà dans sa tête. Pour séparer le vrai du trop réel, du dangereux.

Le souffle retenu dans les apnées silencieuses qui précèdent les aveux, car on ose pas bouger d’un pouce lorsque ceux de l’autre effleurent, mannequin obéissant tendu comme une statue que l’on forme à l’effigie que l’on veut -il a l’habitude, des autres qui le prennent pour une marionnette. N’a pas l’habitude que les mains qui se posent sur ses épaules soient celles qu’il rêve de voir posées sur ses hanches. L’espace d’un instant, Atlas ferme ses yeux, tente d’évacuer le stress -celui de la situation, de ses propres mensonges, de la proximité déroutante, et du temps qui joue contre eux. Un sourire qui se trahit sur les lèvres teintées de rouge. « No. I was imagining something more private. And definitely less stressful. » Il ne reviendra pas d’entre les morts pour être muse solaire, alors se contente d’être immobile. L’aiguille ne frôle pas sa peau, gestes professionnels, pourtant lorsque Charon parle, c’est comme si elle rentrait au plus profond de son torse. Mais il semble lui accorder une trêve. Dans ses yeux, le sombre diminue, la colère passive prend des airs de tristesse -c’est pire. Il n’a pas le temps de parler -les mots bloqués comme un barrage contre la langue, que Charon tombe à genoux, et ses joues se teintent du rose merveille des premières fleurs. Il le touche, l’embrasse et l’embrase, un peu, à la manière dont le vent souffle sur les braises presque éteintes. Les lèvres contre la peau qui frôlent et un souffle d’éther murmuré, dans le secret. « Charon... »
Lorsqu’il prend doucement son visage entre ses mains, il lui remet son cœur. La vérité, celle qui pourrait lui coûter, mais n’est pas prêt à tout perdre -pas lui. « It’s all fake. We’re not together, it’s all fake. You, above all, should know I have hidden acting skills. » Il ne peut pas expliquer plus en détails, ce qui les lie, Pandore et lui. Les menaces et l’épée au dessus de leurs têtes -les réels sentiments de tendresse. « We all have a part to play, don’t we ? »

Des déchirures en plus pour le coeur en papier mâché, c’est que mentir lui tord la poitrine, pantin pourtant habitué à se courber contre les mains des autres -faire ce qu’on lui dicte, et prétendre. Pourquoi ça serait différent, cette fois ?
Parce qu’il est différent.
Charon aux airs sanctifiés qui se penche contre sa peau, et il s’en voudrait presque de vouloir l’adorer, de chérir des instants volés aux airs danger qui auraient du le faire fuir -prudence ténue par la perte de Pandore et les bruits étouffés dans les pièces alentour ont l’air inoffensifs, lorsqu’il le regarde. Sourire comme une trêve qui s’appose sur les lèvres, une ironie d’un sort négligeable -car les dons d’acteur n’ont pas servi que dans les folies de vengeance de Charon, de retrouver un cygne éteint. Ils sont là, au quotidien. Lorsqu’il arbore ses plus beaux atours pour se faire objet de contemplation. Lorsqu’il se tait et laisse ses parents le guider dans des couloirs sans fond. Lorsqu’on efface sa mémoire qui devient de plus en plus ternie. Il fait semblant, toujours. Mais plus avec Charon. Havre de paix -pour combien de temps ? Il ne pense pas à l’après, pas alors que les lèvres frôlent sa peau, ce qui lui semblait être une éternité sans lui devient un instant trop court avec. Sa voix est un souffle quand il répond -l’impression que les pensées s’échappent trop vite.

« We are. I care about her -deeply. But that’s not what you thought it was. »

N’en livre pas plus. Charon ne doit pas savoir -lui-même ne sait presque rien. Du chantage qui les lie, comme un contrat aux airs sombres, des obligations, et des devoirs. Plus tard, certainement, tout retombera en déferlantes sur des visages trempés, plus tard, certainement, ça leur fera mal, d’expliquer. Il ne veut pas d’une ombre au tableau de plus. Lui fait signe de se relever, pour retrouver ses bras. De revenir sur un pied d’égalité. Et le compliment démarre une étincelle dans le poitrail tiède. Même s’il n’y croit pas, il sourit. Il essaye, au moins, de se persuader que Charon le pense. Et entre ses bras, il appose sa main sur sa joue -geste de tendresse devenu presque habituel. Le gant s’immisce entre eux, mais il sent sa chaleur.

« Say that again. »

Au fond, il a besoin de l’entendre.

La naïveté collée à la peau, poison tenace que rien n’efface -la haine prend parfois le dessus, de lui-même plus que des autres. À détourner le regard lorsque ceux des autres sont perçants, à baisser la tête au moindre compliment. Mais Charon ne flanche pas, et lorsque les affres du coeur malade se soignent à coup de baisers, il ne titube ni ne fuit. Astre ténu a trouvé une place précaire, les planètes qui s’alignent au dessus du bruit des couloirs -l’impression d’appartenir à quelque chose de plus grand, lorsqu’il se voit au travers de ses yeux. C’est beau, et c’est triste, de se dire que ces moments n’existeront que dans le secret, pas d’autre choix que de se confondre en murmures, en soupirs contre les lèvres closes, lorsque l’intérieur de la poitrine se met à hurler. Il pourrait cependant s’y habituer. À être contre lui, sans penser à rien d’autre -la douleur habituelle qui s’apaise, lorsque vient le brasier. Les mots s’infiltrent sous la carapace, pourtant devenue solide avec les années de haine, alors pourquoi est-ce qu’il sourit ? Pourquoi est-ce qu’il y croit ? Se laisse embrasser pour à chaque fois voir les étoiles, instant figé dans le temps comme une danse de marbre. Les doigts se découvrent, instruments de malheur, Charon qui murmure even. C’est comme si un poids s’enlevait des épaules, even parce que ce n’est pas son côté monstre que Charon trouve beau, parce qu’il le trouve beau au-delà du sombre, l’impression d’avant avoir été admiré pour ses bizarreries et maintenant d’être admiré en entier -et l’armure se baisse, rideau de fer qui tombe dans un fracas à rendre sourd. Tout donner, et s’en foutre. Des bruits alentour ou des regards qui pourraient surprendre, lorsqu’on se perd, dans un baiser. Les mains sages qui dévient, s’accrochent à ses omoplates, comme ancré à son port dans la tempête -il n’y a qu’une lumière au milieu des ombres. Le baiser est impatient, féroce presque, c’est le soulagement du pardon et la gratitude de s’avoir l’un l’autre, c’est la peur de le perdre et l’empressement d’être sur le fil, c’est la sensation d’être hors du monde (dans le leur) et quelque chose qui ressemble à de l’amour (il n’y pense pas, il le sent.) Déchirement en contre-coeur lorsqu’il se détache d’une bouche adorée, le souffle épars suffisant pour chuchoter à l’ombre de ses lèvres. « This is not a good idea. » Et pourtant, la tête lui en tourne.